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Le Miocène inférieur et moyen de la région bordelaise

Par Aurélien Morhain
Bursa tuberosa, Burdigalien inférieur, Bordeaux

Le présent article se propose de vous faire découvrir le Miocène marin (inférieur et moyen) de la région de Bordeaux, (pays de Buch), pour lequel de nombreux affleurements, allant  de I'Aquitanien au Serravallien, ont permis de mettre au jour de très nombreux restes d’invertébrés et de vertébrés fossiles, très bien préservés.  Ces restes sont connus depuis  longtemps et certains niveaux géologiques de la région bordelaise ont d’ailleurs été choisis comme stratotypes : c’est le cas des étages Aquitanien et Burdigalien, qui furent créés respectivement en 1858 par C.Mayer et en 1892 par C.Dépéret. L’aire géographique considérée ici, concerne la partie septentrionale du Bassin aquitain, (vallée de la Garonne), allant de la ville de Bordeaux au nord, à celle de Nérac au sud.  Cette partie du bassin s'ouvre largement vers l'Océan Atlantique et le golfe de Gascogne à l'ouest. (Cf. cartes en bas de page). (Ci-contre : falun burdigalien de la région de Bordeaux / Ci-dessus : Bursa tuberosa, Burdigalien inf., Bordeaux). 

 

Historique des travaux sur le Miocène girondin.

Le Tertiaire girondin a été étudié de longue date et l’on trouve de très nombreux travaux allant du XIXe siècle à nos jours. En établir ici la liste exhaustive ne parait pas faisable tant celle-ci serait importante. Nous nous contenterons donc de citer les plus fondamentales. Parmi les écrits les plus anciens, on trouve de nombreuses études portant sur Les faunes fossiles du Miocène du Bassind'Aquitaine, publiées entre le début du 19ième  et le début du 20ième siècle, tels que celles de B. de Basterot (1825), de Grateloup (1827, 1828, 1836, 1840-1847) ou encore de E.A. Benoist (1873, 1874a, 1874b, 1889).  Il convient bien sûr de citer la série de publications débutée en 1909 par M.Cossmann et A.Peyrot, puis achevée par Peyrot en 1935 (suite à la mort de Cossmann en 1924), intitulée «Conchologie Néogénique de l'Aquitaine », qui dresse un tableau fort complet et très bien documenté des faunes fossiles de ces niveaux. (Cf. document ci-dessus).

 

D’autres auteurs ont travaillé plus spécifiquement sur la stratigraphie ainsi que sur la paléogéographie ou la paléoécologie des ces niveaux : on retiendra bien sûr C.Mayer (1858) et C.Dépéret (1892), E.Fallot, (1893) et G.Dolfuss, (1909) avec son « essai sur l’étage Aquitanien » ;  mais aussi Lambert, (1912) ; Daguin, (1948) ; Julius, (1963) ; Moyes, (1966) ; Poignant et Pujol, (1978) ; Gourinard et al., (1985) ; Folliot, (1986) ; Alvinerie et al., (1969, 1992) ;  Sztrákos et al. (1998) ; Parize et al., (2008) ; sans oublier les travaux de B.Cahuzac : Cahuzac et al., (1997, 2003, 2004) ; Cahuzac et Poignant, (2000, 2002, 2004). L’ensemble de ces travaux permet aujourd’hui de se faire une idée relativement précise des principales caractéristiques du milieu marin et de ses évolutions, entre l’Aquitanien et le Serravallien.

 

 

Ci-dessous, un lien vers deux albums systématiques portant sur les mollusques burdigaliens de Léognan :

Album 1

Retrouvez dans cet album un inventaire des mollusques fossiles du gisement de Léognan en Gironde.

Album 2

Retrouvez dans cet album un inventaire des mollusques fossiles du gisement de Léognan en Gironde.

Album 3

Retrouvez dans cet album un inventaire des vertébrés fossiles du gisement de Léognan en Gironde.

Burdigalien

1- Carte de localisation des différentes zones d’affleurements fossilifères du Miocène d’Aquitaine ; 2- carte de localisation des différents gisements-types connus, permettant l’accès au Miocène en Gironde.

Comme nous le rappelons en introduction à cet article, les niveaux observables du Miocène en Gironde s’étagent de l’Aquitanien au Serravallien : ils couvrent donc un intervalle de temps compris entre -23.5 Ma et -11 Ma, qui correspond au Miocène inférieur et moyen. La datation de ces terrains est relativement ancienne, comme nous l’avons souligné plus haut. Cependant, des travaux de recherche d’eau et de pétrole entrepris entre 1955 et 1970, (plusieurs forages relativement profonds), ont permis d’affiner nos connaissances sur la nature et l’âge des dépôts du Miocène girondin.

Surmontant le Chattien, dernier étage de l’Oligocène, (particulièrement bien représenté dans le Bassin de l'Adour, (Dax)),  le Miocène bordelais se développe selon une sédimentation alternant entre des niveaux calcaires, marneux et sableux peu consolidés, riches en fossiles marins, prenant parfois la forme d’épais faluns. Parmi les nombreux auteurs ayant travaillé sur la stratigraphie locale, il convient de citer l’étude de M.Caralp, C.Julius et M.Vigneaux, intitulée «Considérations sur le Miocène inferieur aquitain », qui analyse les forages réalisés dans la seconde moitié du siècle dernier, sur l’ensemble du Bassin Aquitain. Cette dernière nous a permis de réaliser les tableaux ci-dessous, qui regroupent l’ensemble des formations géologiques observables sur les communes de Saucats et du Barp.

Cliquez sur les tableaux pour les agrandir.

Le croisement des relevés stratigraphiques de ces deux forages permet de mettre en évidence les caractères communs suivants : l’Aquitanien, qui recouvre l’horizon du Chattien, (régression finale de l’Oligocène),   se caractérise par des dépôts sableux, argileux et calcaires, riches en fossiles divers, qui décrivent des faciès à la fois laguno-saumâtres et marins. Le Burdigalien ensuite,  semble plus homogène, avec des dépôts à cachet marin plus accusé : il se caractérise par des calcaires détritiques argilo-sableux à sa base, puis passe à de puissants dépôts sableux, pour s’achever par des faluns argilo-sableux. Notons cependant que les niveaux sommitaux de cet étage sont manquants en Gironde. (Les dépôts terminaux du Burdigalien supérieur ne sont observables que dans la région de Saubrigues). Le Burdigalien local est alors directement recouvert par les couches dites des «sables fauves», caractérisant en Aquitaine les faciès continentaux du Pliocène.

 

Précisons en outre, que les deux niveaux principaux du Miocène inférieur girondin, Aquitanien et Burdigalien, qui représentent en Aquitaine deux étages très littoraux clairement  différenciables dans leur lithologie, correspondent en réalité à un seul dépôt uniforme, dénommé Girondien, dès que l’on s'éloigne de la ligne de rivage de cette époque, (région de Magescq).

 

Surmontant le Burdigalien, un ensemble sédimentaire, indiquant un vaste épisode transgressif affectant l’ensemble du Bassin Aquitain, a été mis en évidence : il s’agit  du Langhien. Cet ensemble reste cependant difficile à distinguer du Serravallien dans la région bordelaise, contrairement à ce qui peut être observé plus au sud, dans le Golfe de Lectoure, (Magné et al., 1985). Les dépôts sédimentaires passent donc directement, dans la région de Bordeaux, du Burdigalien au Serravallien. Ce dernier niveau se caractérise par des faluns mixtes, décrivant des faciès dits sallomaciens, en référence au gisement de Salles (du latin Sallomacus), composés de sable glauconieux, très argileux et graveleux. Cependant ce dernier n’est que très fragmentaire en Gironde, (visible au sommet de la coupe du gisement de Pont-Pourquey près de Saucats).

 

Les gisements-types.

Paléogéographie et éléments paléo-environnementaux.


Le Bassin d’Aquitaine, nous l’avons vu plus haut, a été le siège au cours du Cénozoïque, et particulièrement à l’Oligo-Miocène, de nombreuses transgressions d’obédience atlantique, qui se sont étendues plus ou moins loin vers l’est, au gré des incursions marines. (Cahuzac B., Janin M.C., et Steurbaut E.). Les forages de Saucats et du Barp mettent en évidence, à travers la nature et l’organisation de leur sédimentation, ces hésitations de la transgression Miocène, ne correspondant jamais à des dépôts marins francs. L’analyse croisée de ces deux forages permet aujourd’hui de suivre l’évolution paléogéographique et paléo-environnementale de cette partie du Bassin aquitain. Pendant le Chattien, le Bassin aquitain subit une transgression bien développée vers l’est, (surtout la partie sud du bassin), qui connait alors un climat tropical. Les faciès représentés sont majoritairement des faluns littoraux (sables coquillers et sables calcaires) reflétant l’existence d’environnements péri-récifaux, (nombreux coraux hermatypiques et mollusques).

Carte du Bassin aquitain mettant en valeur les différentes phases transgressives du milieu marin entre le Chattien et le Miocène ; (Cahuzac et al., 1995 ; Cahuzac & Poignant, 2004).

Puis, durant l’Aquitanien inférieur, on relève à Saucats comme au Barp, un recul du domaine marin avec une sédimentation indiquant des environnements de type lagunaire. Ensuite, le milieu marin semble évoluer vers des environnements de plus en plus littoraux, à mesure qu’on se rapproche des premières formations burdigaliennes. Enfin, le niveau se termine par une phase régressive, marquée par un épisode lacustre bien représenté régionalement. De façon générale, l’Aquitanien se définit par des changements réguliers du milieu marin, ne permettant pas un épanouissement des faunes benthiques et pélagiques.

 

Le Burdigalien débute par un épisode transgressif de vaste envergure, qui touche l’ensemble du bassin.  Les environnements sont donc plus franchement marins. Le type et l’organisation de la sédimentation indiquent une plus grande stabilité de l’environnement, (profondeur, salinité…), qui est marqué notamment par un cachet récifal plus accusé. Globalement, le milieu marin est alors plus ouvert que pendant l’Aquitanien ; on suppose d’ailleurs que l’environnement marin connaissait un hydrodynamisme d'énergie assez élevée.  L’analyse des faunes benthiques et pélagiques met en revanche en lumière une baisse significative des températures, qui sont alors moins subtropicales.  Le Burdigalien terminal enfin, inconnu dans le nord du Bassin aquitain, est marqué  par une phase globalement régressive du milieu marin qui décrit alors des environnements  calmes et peu profonds, même si localement (le Barp), on a pu relever l'existence de dépôts résultant d'un approfondissement passager, compris entre deux formations plus littorales. Le Serravallien enfin, est très anecdotique dans le nord du Bassin aquitain, (comme on peut le constater dans le forage du Barp). Les dépôts indiquent une certaine dégradation climatique globale. Une nouvelle transgression se développe au Langhien et touche la totalité du golfe aquitain. (Cahuzac et al., 1995; Cahuzac & Poignant, 2000, 2002, 2004). Celle-ci s’étend au loin vers l’est et cause deux phases érosives intenses. Malgré tout, le milieu marin est encore chaud, mais nettement moins que précédemment et les colonies de coraux hermatypiques disparaissent régionalement.

 

Paléoécologie.

Ci-dessous, un lien vers deux albums systématiques portant sur les mollusques burdigaliens de Léognan :

Album 1

Retrouvez dans cet album un inventaire des mollusques fossiles du gisement de Léognan en Gironde.

Album 2

Retrouvez dans cet album un inventaire des mollusques fossiles du gisement de Léognan en Gironde.

Album 3

Retrouvez dans cet album un inventaire des vertébrés fossiles du gisement de Léognan en Gironde.

Burdigalien

A l’échelle mondiale, le Miocène est considéré comme la période la plus chaude de tout le Cénozoïque. Pendant cet intervalle de temps considérable, le climat mondial a connu des fluctuations régionales qui ont dicté les peuplements d’êtres vivants, à la fois sur les continents et dans le milieu marin. Ceux-ci ont permis une grande diversification des organismes vivants, notamment chez les mammifères mais aussi dans les océans avec par exemple,  dans le Bassin aquitain, la présence de faunes marines très diversifiées.

 

Celles-ci, et en particulier la très prolifique malacofaune girondine miocène, partagent des affinités avec les faunes marines actuelles de régions tropicales du globe : « la malcofaune traduit des affinités atlanto-méditerranéennes prédominantes, auxquelles vient se surajouter un facteur thermique subtropical non négligeable : 22% des taxons de Lamellibranches et 36,5% des gastéropodes sont d'affinité ouest-africaine. Ces indicateurs chauds sont renforcés par la présence chez ces deux groupes d'un reliquat de 8% de formes d'obédience tropicale antillaise ou indo-pacifique. Un mélange d'espèces tempérées (voire "froides" nouvellement apparues) et de reliques subtropicales. » (Folliot, Pujol, Cahuzac et Alvinerie, 1993). Cette analyse peut être confirmée par l’étude des faunes de cétacés du Miocène, qui partagent aussi de nombreux points communs avec celles actuellement observées dans les eaux tropicales du globe.

 

Concernant le Miocène aquitain, les faunes marines, dont les formes tropicales apparaissent pendant l’Aquitanien, s’épanouissent ensuite pleinement durant le Burdigalien, qui représente une période de grande diversification des faunes benthiques (malacofaunes) et pélagiques (poissons, cétacés…). Dans le même temps, cette période est marquée régionalement par la coexistence de faunes tropicales et tempérées naissantes, conséquence d’un refroidissement climatique grandissant ; mais ce constat se vérifie plus volontiers dans la partie sud du Bassin aquitain.

Pour aller plus loin.


- Initiative passionnée : suite à la fermeture de la carrière de Campagne, (en raison de la mort de notre regretté Daniel), un passionné du gisement a décidé d'ouvrir un musée dédié aux fossiles locaux. Une belle initiative et un beau musée à visiter sans tarder à Saint-Martin d'Oney. Renseignements par Tel : 05.58.52.03.19.

 

 - Liens utiles :

Vous trouverez ci-après plusieurs sites web, relativement bien documentés sur le Tertiaire girondin.

 

Le site web de l'association APBA : cliquez ici

Le site web de la réserve géologique de Saucats : cliquez ici

Le site web de Nicolas Demassieux consacré à la détermination : cliquez ici

 

- Ressources bibliographiques en ligne :

Ci-après, retrouvez quelques travaux paléontologiques portant sur le Miocène de Bassin aquitain.


 

Cliquez ici : Folliot, Pujol, Cahuzac et Alvinerie, "Nouvelles données sur le Miocène moyen marin ("Sallomacien") de Gironde (Bassin d'Aquitaine-France) Approche des paléoenvironnements."

 

Cliquez ici : Caralp, Julius et Vigneaux, "Considération sur le Miocène inférieur aquitain".

 

Cliquez ici : Cahuzac, Cluzaud, Lesport & Rlngeade, "Etude de populations de Glycymeris (Bivalvia, Glycymerididae) du Miocène d'Aquitaine, Sud-Ouest de la France".

 

Cliquez ici  : Cahuzac et Poignant,"Répartition des foraminifères benthiques dans les gisements de surface du Miocène d'Aquitaine (SW de la France)."

 

Cliquez ici : Folliot, "Les dépôts fossilifères du Miocène bordelais."

 

Cliquez ici : Cahuzac et Janssen, "Eocene to Miocene holoplanktonic Mollusca (Gastropoda) of the Aquitaine Basin, southwest France."

 

Cliquez ici  : Antoine, Duranthon et Tassy, "L'apport des grands mammifères (Rhinocérotidés, Suoïdés, Proboscidiens), à la connaissance des gisements du Miocène d'Aquitaine."

 

Cliquez ici : Cahuzac, Janin et Steurbaut, "Biostratigraphie de l'Oligo-Miocène, du Bassin d'Aquitaine, fondée sur les nanofossiles calcaires. Implications paléogéographiques."

 

Cliquez ici : Gely J.P., Strakos K., "L'évolution paléogéographique et géodynamique du Bassin aquitain au Paléogène : enregistrement et datation de la tectonique pyrénéene."

 

Cliquez ici :  Marcomini J'ean-Luc, "La collection Léon Sylvestre de Sacy", redécouverte par hasardet en particulier

 

Remerciements : nous remercions particulièrement, JC. Videau pour son aide au prélèvement de nombreux spécimens fossiles du Miocène de cette région, durant de nombreuses années. Nous tenons également à remercier D.Gourgues pour son aide à l'identification des nombreux fossiles que nous lui avons soumis.

Les albums-photos à la une !

Le Burdigalien inférieur de Gironde

 

Album 1

 

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Le MHN de La Rochelle

 

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Le gisement paléontologique d'Angeac

 

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Le MNHN de Paris

 

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