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Augustin-Marie Boissellier (1834-1895)

Par Aurélien Morhain

Le présent article vous propose de découvrir un autre personnage important du paysage naturaliste local des XVIIIe-XIXe siècles, Augustin-Marie Boissellier. Cet homme, originaire de Nantes, passionné de géologie et de paléontologie, réalisa sur la fin de sa vie un travail remarquable : Il est un de ceux qui, à la fin du XIXe siècle, ont permis la réalisation des premières cartes géologiques de la Charente-Maritime à l'échelle du 1/80 000e. Augustin-Marie Boissellier, prospecteur et excursionniste, reste aussi connu pour avoir étudié les tout premiers restes de dinosaures découverts en Charente-Maritime, ceux du fameux « Mégalosaure » de Saint-Agnant.

Augustin-Marie Boissellier né à Nantes le 13 septembre 1834 dans une famille d’un milieu social rural et modeste. Il reste dans la région nataise jusqu’à son premier emploi obtenu en 1855 à la manufacture royale de la marine d'Indret (fonderie locale existant depuis 1777). Il a alors 21 ans et exerce en tant que journalier aux écritures. Il devient ensuite rapidement écrivain de troisième puis de deuxième classe. En 1858 il prend finalement le poste d’écrivain de première classe. Puis il poursuit son ascension professionnelle en devenant, en 1862, commis du personnel administratif  puis sous-agent administratif, en 1867. La même année, alors âgé de 33 ans, il obtient une mutation à l'arsenal de Rochefort : il est agent administratif à la direction des mouvements du port jusqu'en 1876, plus tard agent administratif principal aux constructions du port, et enfin chef de comptabilité jusqu’en 1885, année de la fin de sa carrière professionnelle.

 

Passionné de géologie et de paléontologie, Boissellier va tout naturellement intégrer la Société de géographie de Rochefort en 1881, puis l’Association Française pour l'Avancement des Sciences et du Service de la Carte géologique de France. L’année suivante, il devient membre de la Société des sciences naturelles de la Charente-inférieure (ancienne dénomination de la Charente-Maritime) dans laquelle il organise et participe à de nombreuses excursions géologiques durant lesquelles il collecte des fossiles et s’adonne au relevé de coupes stratigraphiques. En 1882, il se lance dans l’étude des eaux des quartiers de Périgny et de Lafond qui alimentent la ville de La Rochelle et présente ses premiers travaux cartographiques avec une « note sur la carte géologique des environs de Rochefort ».

Augustin-Marie Boissellier (1834-1895) ; archives de la Société des sciences naturelles de la Charente-inférieure

En mai 1883, il devient le principal collaborateur du Service de la carte géologique de France grâce aux recommandations de Cotteau et Douville. Il contribue d’ailleurs à la réalisation de 6 cartes géologiques de la Charente-Maritime à l'échelle du 1/80 000e et de leurs notices détaillées : La Tour de Chassiron, La Rochelle, Rochefort, Lesparre, Fontenay le Comte et Saint-Jean d'Angely. En 1895, il envoie à la Société de géographie de Rochefort une synthèse sur les cartes géologiques du département de la Charente-inférieure ainsi qu’une nomenclature dans laquelle il fait état du travail de ses prédécesseurs, mettant en lumière leurs apports successifs (Moreau, 2010). A-M. Boisselier  restera très actif jusqu’à la fin de sa vie qu’il passera à Vichy. Il y décède le 20 juillet 1895 à l’âge de 61 ans, mais son corps est finalement transféré à Rochefort où il est enterré trois jours plus tard.

Boissellier et le "Mégalosaure" de Saint-Agnant.

A l’image de son illustre contemporain Henri Coquand, Boissellier  était un homme de terrain et un travailleur acharné : les archives du service de la carte géologique nous apprenent qu'il a parcouru près de "50 000 km dont 37 000 en chemin de fer, 5 000 en voiture et 8 000 à pied. Le tout en 1 000 journées de travail effectif, sans compter les demi journées et celles passées à la maison aux reports des carnets de terrain, aux rangements des échantillons et fossiles, et aux dessins des cartes" (Moreau, 2010). Comme nous l'avons signalé plus haut, les archives des sociétés savantes dont il faisait partie comportent de nombreux comptes-rendus d’excursions auxquelles il participait activement et, parfois même, qu’il organisait.

 

Comme beaucoup de ses contemporains, Boissellier était fasciné par ces énigmatiques et gigantesques fossiles que R. Owen baptisa « dinosaures » (lézards terribles). Et pour cause : au XIXe siècle les découvertes de grands reptiles fossiles vont se multiplier et motiver de nombreuses personnes à découvrir des gisements. Rapidement, une véritable dinomania se développe autour de ces curieux animaux aux proportions démesurées. Celle-ci touche aussi bien le grand public que les savants de l’époque, motivant à l’échelle mondiale, la découverte de gisements d’une richesse incroyable et de squelettes de mieux en mieux conservés et de plus en plus complets. Bientôt, tous les grands musées d’histoire naturelle d’Europe abritent des sections de paléontologie afin d’accueillir fossiles et squelettes de dinosaures remontés. Les archives de la Société des Sciences Naturelles de la Charente-Maritime nous apprennent que Boissellier "avait été particulièrement impressionné par l'exposition des dinosaures de Bernissart, qu'il contempla lors d'une visite au muséum de Bruxelles au cours de l'été 1883" (Néraudeau et Vullo, 2012).

Extrémité proximale de tibia (?) gauche ; os du "Mégalosaure" de Saint-Agnant découvert au XIXe siècle et décrit par Boissellier.

On peut alors s’imaginer sa stupéfaction lorsqu’en 1880 (?), un agriculteur de la région rochefortaise lui pria d’examiner des restes d’ossements d’une taille impressionnante ! On doit cette heureuse découverte à M. Roy, agriculteur au lieu-dit Les Fontaines, proche de la petite commune de Saint-Aignan (ancien nom de Saint-Agnant) qui les mit au jour en labourant ses champs. Selon les archives locales, la charrue de M. Roy aurait brisé un banc de calcaire « carié et scoriacé » sous lequel étaient présents ces ossements. Au total, ce sont 6 os plus ou moins complets qui furent découverts sur cette localité. Prenant conscience que ceux-ci appartenaient certainement à un grand animal fossile, Boisselier  les fit examiner par Henri Emile Sauvage, titulaire de la chaire de zoologie au Muséum National d’Histoire Naturelle et l’un des principaux spécialistes des reptiles fossiles du Mésozoïque de cette époque. Ce dernier attribua ces restes au genre « Mégalosaurus » (dinosauria, théropoda), un dinosaure carnivore bipède. Boissellier étudia donc ces restes en détail et proposa une étude intitulée « Le Mégalosaure de Saint-Agnant » qu’il publia dans le compte-rendu de la 10e session de l’Association Française pour l’Avancement des Sciences (à la suite d'un congrès qui se déroula à Alger en avril 1881 et lors duquel il présenta une "communication sur l'embouchure de la Cherente utile à la navigation").

« Au mois de juin de la même année, Boisselier signala de nouveau la découverte de ces restes, mais cette fois sous le nom d’ « Enaliosaurien » (genre de reptile marin fossile), lors d’une séance de la Société des Archives historiques de Saintonge et de l’Aunis » (Néraudeau et Vullo, 2012). Cette découverte constitue la première mention de restes de dinosaures en Charentes. Celle-ci dut avoir un retentissement important à l’époque au niveau local. C’est sans doute ce qui motiva Boissellier et la Société de géographie de Rochefort  à proposer au public une exposition interdisciplinaire tenue à Rochefort même, lors de laquelle ces os furent présentés pour la première fois (anonyme 1883). Par la suite, Boissellier et les membres de la Société des Sciences Naturelles de Charente-Inférieure organisèrent plusieurs excursions géologiques dans la région de Saint-Agnant, espérant sans doute découvrir d’autres restes de cet impressionnant animal. Mais ils ne retrouvèrent aucun autre ossement dans les champs et carrières de cette localité.

A-M. Boissellier en compagnie de membres de la Société des Sciences naturelles de la Charente-Inférieure lors d’une sortie géologique aux alentours de Saint-Agnant. Archives de la Société des sciences naturelles de la Charente-inférieure.

Au cours du XXe siècle ensuite, Lapparent (1967) confirma l’appartenance de ces restes au genre Megalosaurus. Ces restes ont depuis été définitivement attribués à un sauropode indéterminé (grand dinosaure herbivore) par Buffetaut et al. (1991) et Buffetaut (1995). En 2012, les paléontologues R. Vullo, E. Buffeteau, D. Néraudeau, et J. Leloeuff ont réétudié ces restes en collaboration avec les deux conservateurs du muséum d’histoire naturelle de La Rochelle. Leur étude approfondie n’a malheureusement pas permis de déterminer plus avant ces ossements de sauropode, ceux-ci étant trop mal conservés. Les paléontologues ont en revanche émis des suppositions quant à l’âge approximatif de ces os : « la position stratigraphique de ces restes indique clairement un âge infracénomanien. Cependant, l’existence dans la région de dépôts continentaux de faciès purbeckiens et wealdiens ne permet pas de trancher entre un âge Crétacé basal et Crétacé inférieur plus récent. »

Nul doute que cette découverte marqua en son temps A-M. Boissellier. Celui-ci conserva d’ailleurs ces restes fossiles une grande partie de sa vie. Quatre de ces 6 os sont aujourd’hui conservés dans les collections permanentes du muséum d’histoire naturelle de La Rochelle, sans qu’on ait pu réellement dater ni même expliquer les modalités de leur arrivée dans cette institution locale (don du vivant de Boissellier, leg après sa mort… ?).

Pour aller plus loin.

Romain Vullo, Eric Buffetaut, Didier Néraudeau, Jean le Lœuff, Jean-François Heil, Michèle Dunand, Le « Mégalosaure » (Dinosauria, Sauropoda) de Saint-Agnant (Charente-Maritime, France) : description et origine stratigraphique.

 

Texte intégral disponible ici : cliquez ici

Bibliographie sommaire.

Bulletin de la Société de géographie de Rochefort, 1895, tome 17, p. 197


Bulletin de la Société de géographie de Rochefort, 1895, tome 17, p. 139-149

 

Bulletin des Archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis, 1895, « Notice nécrologique », pp. 411-412.
 

Christian Moreau, "Augustin-Marie Boissellier (1834-1895). Un agent administratif de la marine devenu géologue", Annales de la Société des sciences naturelles de la Charente-Maritime, juin 2010, volume X-1, p. 115-119

 

Romain Vullo, Eric Buffetaut, Didier Néraudeau, Jean le Lœuff, Jean-François Heil, Michèle Dunand, Le « Mégalosaure » (Dinosauria, Sauropoda) de Saint-Agnant (Charente-Maritime, France) : description et origine stratigraphique.

 

Néraudeau D., Mazan, Vullo R., Fossiles de la Préhistoire charentaise, éd. Le Croît Vif, 2013

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