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Louis Benjamin Fleuriau de Bellevue

L'hôtel particulier Fleuriau à La Rochelle, devenu le musée du nouveau monde.
Par Aurélien Morhain

Fleuriau de Bellevue, voici un nom dont la seule évocation renvoie immédiatement à l’histoire de notre belle cité de La Rochelle. Cette famille issue de la haute bourgeoisie de Chatellerault, s’installe dans cette illustre  ville portuaire au XVIe siècle afin d’y faire commerce. Au fil des siècles, cette famille va s’enrichir de façon importante au point de devenir l’une des plus influentes de la ville. L’histoire locale retient traditionnellement  Aimé Benjamin Fleuriau (1709-1787)  qui au XVIIIe siècle, se lance avec succès dans le commerce d’ébène (appellation flatteuse  du détestable commerce triangulaire).  Mais la famille compte aussi parmi ses membres un homme au parcour plus glorieux, un savant naturaliste mal connu, auquel nous souhaitons rendre ici hommage.  Il s’agit de Louis-Benjamin Fleuriau de Bellevue, (l’un des fils d’Aimé Benjamin).


Louis-Benjamin le 23 février 1761à La Rochelle dans l’hôtel particulier familial (situé de nos jours rue Fleuriau), et connait une petite enfance heureuse. A l’âge de 9 ans il est envoyé, comme beaucoup d’enfants protestants à cette époque, à l’Académie de Genève en Suisse. Il étudie d’abord au collège jusqu’en 1781  puis à l’Académie où il découvre les sciences naturelles avec admiration sous l’égide de son professeur Horace-Bénédict de Saussure (1740-1799), qui est déjà reconnu à l’époque pour ses  compétences en géologie, physique et botanique.  Celui-ci lui permet de rencontrer le géologue et minéralogiste Déodat Gratet de Dolomieu avec lequel il va parcourir une partie de l’Europe.


Son père, grand ami de Charles Marie Dessalines d’Orbigny, avec lequel il cré en 1791 le premier Muséum d’Histoire Naturelle de la ville (sur le leg de Clément Lafaille), introduit le jeune Louis-Benjamin à l’Académie des Sciences, Arts et Belles Lettres de La Rochelle. Après avoir réalisé quelques travaux en météorologie, le jeune Louis-Benjamin se voit proposer de s’occuper, aux côtés de Messieurs Lavillemarais, Goujaud-Bonplan et Fromentin-Dupeux, de la conservation des collections du Muséum. N. Lavillemarais (1746-1832) précise, dans un rapport des annales de l’Académie des Sciences, Arts et Belles Lettres de La Rochelle en 1817 : « les collections tombées, après dissolution de l’Académie en 1791, dans le domaine national, ce gouffre qui engloutit tant de propriétés privées, furent complètement négligées d’abord, et ensuite menacées d’être démembrées et même enlevées à la ville… » Et plus loin d’ajouter : « les collections délaissées s’étaient dégradées et demandaient sans retard des soins pour arrêter l’œuvre de destruction qui les menaçait. »  C’est donc avec attention, que Louis-Benjamin accomplit cette tâche.

En juillet 1787 (peu après le décès de son père), il part pour un périple de 5 années aux côtés de Dolomieu, qui va le mener en Europe centrale : il parcourt l’Italie du nord au sud, sans oublier les îles de Sicile et Malte,  puis l’Allemagne. Dolomieu permet ainsi  à Fleuriau d’acquérir de solides connaissances en géologie.


A partir de cette époque Louis-Benjamin Fleuriau de Bellevue décide de vouer ses activités scientifiques à l’étude des roches et de ce qu’elles renferment.  Il est associé à la découverte de la dolomie, grâce à Nicolas de Saussure (fils d’Horace-Bénédict), qui dédie cette roche sédimentaire à son premier découvreur D.G.de Dolomieu en 1792. La même année il publie son premier mémoire  intitulé, « Mémoire sur de nouvelles pierres flexibles et élastiques et sur la manière de donner de l’élasticité aux minéraux » dans le Journal de Physique, de chimie, d’histoire naturelle et des arts en 1792. Ces quelques travaux scientifiques révèlent alors un esprit critique et novateur pour l’époque. Il est l’un des premiers scientifiques à avoir suggéré l’étude des roches au microscope, persuadé que la connaissance en géologie devait passer par l’observation détaillée de ses objets d’étude. A ce titre, on peut d’ailleurs noter sa démarche novatrice consistant à comparer les propriétés du sable utilisé en verrerie et les coulées de laves qu’il avait pu observer pendant ses voyages en Europe.


De retour à La Rochelle en 1793, Louis-Benjamin enrichit considérablement les collections du Muséum Lafaille, par le leg de nombreux échantillons de minéraux et roches divers, qu’il va étudier tout au long de sa vie. A partir de cette date, il va se consacrer entièrement à cette tâche et à la ville de La Rochelle en occupant différents postes administratifs : il est conseiller général de 1801 à 1850, député (pendant 10 ans) et conseiller municipal (pendant 48 ans) de la ville à partir de 1804. Désormais reconnu dans le milieu scientifique il fait la connaissance des grands savants de son temps parmi lesquels Alexandre Von Humboldt ou encore Georges Cuvier, qu’il présente quelques années plus tard à un jeune naturaliste rochelais, un certain Alcide Charles Victor Marie Dessalines d’Orbigny, (1802-1857).


En 1805, fasciné par l’activité magmatique terrestre, il publie un mémoire intitulé « Mémoire sur l’action au feu dans les volcans ou sur divers rapports entre leurs produits, ceux de nos fourneaux, les météorites et les roches primitives... », puis rédige quelques observations sur les conséquences du tremblement de terre à Calabre dans les années 1780. Il publie également un autre mémoire « sur les cristaux microscopiques et en particulier sur la séméline, la mélilite, la pseudo-sommite et le Selce-Romano » en 1817. Tous ces travaux forts rigoureux pour l’époque, qui suggéraient une remise en question des connaissances sur les origines de notre planète, déclenchèrent une vive polémique qui lui valut la raillerie  et l’indifférence du milieu scientifique. Ces  critiques blessèrent profondément Fleuriau qui délaissa ses travaux, s’investissant dorénavant dans le développement et la conservation des collections du Muséum de La Rochelle. Cependant, si l’exactitude de ses travaux ne fut pas reconnue par l’élite scientifique française, ceux-ci le furent en revanche par le grand Charles Robert Darwin en 1844 dans une étude intitulée « Geological Observations on the Volcanic Islands Visited during the Voyage of H.M.S. Beagle, together with some Brief Notices of the Geology of Australia and the Cape of Good Hope ».


Parmi ses études charentaises, on lui doit notamment l’étude des restes de la météorite tombée à Jonzac en 1819 ainsi que l’étude de ce qu’il interpréta comme une forêt pétrifiée sous-marine, découverte au large de l’île d’Aix, (qu’il étudia pendant 20 ans) . C’est encore à Louis-Benjamin Fleuriau de Bellevue que nous devons la création en 1836 de la Société des Sciences Naturelles de Charente-Inférieure (aux côtés de C.M.D d’Orbigny) puis du musée de cette même société, qui deviendra à sa mort en 1852, le Muséum régional Fleuriau, avant de fusionner définitivement avec le Muséum Lafaille en 1895. Il décède finalement à l’âge de 91 ans, alors encore en pleine activité scientifique.

Pour aller plus loin :


- Un article au format « pdf » de Jean Rocquecave, à propos de L.B. Fleuriau de Bellevue : Cliquez ici

 

- Un article au format « pdf » réalisé par le Muséum de La Rochelle, à propos de L.B. Fleuriau de Bellevue : cliquez ici

 

- Bulletin de la Société des sciences naturelles de l’ouest de la France de 1912 : cliquez ici

 

- Bulletin des annales de la Société des sciences naturelles de la Charente-inférieure de 1886 : cliquez ici

Bibliographie sommaire :


- BLUTEL J.P.E., « Notice biographique de M. Fleuriau de Bel levue par lui-même », archives de la Société des Sciences Naturel les de la Charente-Maritime n°336 ; 1845, 6p.


- MOREAU, C., « Louis Benjamin Fleuriau de Bellevue (1761-1852) : Savant, Physicien naturaliste, Géologue et philanthrope rochelais », Les Indes Savantes éditeur, Paris, 2009.


- SAUVE, S.C., « Discours prononcé sur la tombe de Monsieur Fleuriau de Bel levue », Annales de Sciences Naturelles de la Charente-Maritime, 1855.


- VIVIER, T., « Revue analytique des mémoires relatifs aux sciences, publiés par M. Fleuriau de Bellevue de 1792 à 1842 », Annales de l ’Académie de La Rochelle, 1862, n° 5, p. 21-98.

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