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Des fossiles remarquables du Cénomanien charentais mis à l'honneur au Musée Vert de la ville du Mans (72, Sarthe).

Exposition temporaire : "Cénomanien, le voyage géologique"                               (du 10 septembre 2015 au 31 juillet 2016).

Par Romain Houssineau et Aurélien Morhain.

Du 10 septembre 2015 au 31 juillet 2016, le Musée Vert - muséum d’histoire naturelle de la ville du Mans,  propose au grand public une exposition temporaire intitulée « Cénomanien, le voyage géologique ». Faisant écho aux récents travaux publiés en cette fin d’année 2015 dans  l’ouvrage Stratotype Cénomanien (sous dir. N. Morel), cette belle initiative est le résultat du travail des équipes patrimoniales du muséum du Mans et du paléontologue R. Vullo qui ont su rassembler un certain nombre de spécimens fossiles français et étrangers représentatifs de cet étage. Parmi ceux-ci, une part importante est consacrée aux découvertes récentes réalisées dans les départements charentais et de la Vienne ainsi qu’à deux des plus importants gisements mondiaux de fossiles du Cénomanien : celui du Mont Liban (Liban) et celui des Kem-Kem au Maroc. Quoi de plus naturel que de présenter cette exposition au Mans, ville choisie en 1847 par A. d’Obigny comme site de référence du Cénomanien. Vous voulez en savoir plus ? Suivez le guide  !

Quelques mots sur le musée Vert du Mans.

Le Musée Vert, classé "Musée de France", est le muséum d’histoire naturelle de la ville du Mans. Il est situé sur la rive droite de l’Huisne, au centre du quartier Jean Jaurès, non loin de Pontlieue. Aujourd’hui installé dans l'ancienne école Véron de Forbonnais (bâtiment du XIXe siècle), les collections du muséum sont constituées de plus de 200.000 spécimens, accumulés par des générations de collectionneurs et de naturalistes. Il s’agit notamment d’oiseaux et de mammifères naturalisés, ainsi que d’importantes collections de minéraux, de fossiles, de coquillages et d’herbiers. 

Ces riches collections  se sont constituées à partir de la Révolution Française, lors du placement de plusieurs cabinets naturalistes privés locaux dans le domaine public. Celles-ci furent présentées au public à partir du 21 juin 1799, dans les locaux de l’actuelle préfecture de la ville. Ce premier muséum présente alors des collections pluridisciplinaires allant de la peinture aux animaux naturalisés, en passant par les minéraux et les fossiles. En 1927, les collections artistiques puis scientifiques sont déménagées vers l’actuel musée de Tessé. Durant cette époque (années 30-40), les collections scientifiques vont considérablement se développer sous l’impulsion du conservateur P. Delaunay.

 

Au sortir de la seconde guerre mondiale ensuite, les collections scientifiques sont progressivement retirées des salles d’exposition et le musée Tessé acquiert une vocation artistique, devenant le musée des beaux-arts du Mans. Les fonds scientifiques resteront en sommeil dans les réserves du musée jusque dans les années 80, lorsqu’une équipe de jeunes étudiants et des membres de la municipalité élaborent un projet de musée spécifiquement dédié aux sciences naturelles. Ce dernier est finalement créé en juin 1995, avec l’ouverture du présent Musée Vert de la ville dans les locaux de l’ancienne école Véron de Forbonnais.

 

L’espace dédié aux visiteurs s’organise autour de deux salles d’exposition permanente : la salle « Sarthe sauvage » et la salle « Jurassique Sarthe ». La superficie muséale couvre aujourd’hui 790 m², dont 350 m² sont accessibles au public. Les immenses collections de cette institution, ne pouvant toutes être exposées au public, sont stockées dans les 440 m² de réserves. Au total, seul 1% des 200 000 spécimens naturalistes conservés par le Musée Vert est exposé au public.

Le Cénomanien stratotypique du Mans.

Le Cénomanien, qui constitue la base du Crétacé supérieur, est un étage géologique très présent à l’affleurement dans le grand ouest français. Si Alcide Dessalines d’Orbigny, au XIXe siècle, a choisi plusieurs localités charentaises comme sites de référence de plusieurs étages crétacés (le Coniacien, le Santonien et le Campanien), c’est en référence à la région du Mans qu’il crée en 1847 un étage géologique définissant la base du Crétacé supérieur, qu’il nomme Cénomanien (de Cenomanum, qui signifie « sables du Mans »). Il fait alors de cette localité sarthoise une référence stratotypique internationale encore valide de nos jours.

A l’époque, ce choix est lié à son intérêt paléontologique car la région mancelle recèle des gisements facilement accessibles permettant la collecte de très nombreux fossiles.  Cependant, comme le rappelle D. Néraudeau, c’est la Charente-Maritime qui livre les roches les plus diverses et les fossiles les plus abondants appartenant à cet étage. « Historiquement, les couches charentaises ont fourni un grand nombre de fossiles qui ont servi à d’Orbigny à définir les espèces typiques du Cénomanien, dans son ouvrage de référence, la Paléontologie française. » (Néraudeau et al.2013). 

 

Le Cénomanien (-94 Ma à -100 Ma) correspond à l’une des périodes les plus chaudes de l’histoire de la Terre. La température moyenne des océans était environ 5°C supérieure à ce qu’elle est actuellement. Il n’y avait alors pas de glace aux pôles ; le niveau global des masses océaniques était bien plus haut qu’aujourd’hui, étant alimenté par la fonte des glaces continentales. Durant la période la plus chaude du Cénomanien, le niveau des océans était ainsi de 100 à 150 m plus haut qu’il ne l’est aujourd’hui. Dans les océans, les conditions climatiques favorables permettent le développement et la diversification de grands animaux pélagiques tels que les Mosasaures et autres poissons. Sur les continents, tandis que les dinosaures dominent le  règne animal, la flore connaît un tournant majeur, avec l’épanouissement des plantes à fleurs. Ce sont ces grandes évolutions du monde vivant que l’exposition « Cénomanien, le voyage géologique » se propose de faire découvrir au grand public. 

Du Maroc au Liban, en passant par le Mans et les Charentes : les fossiles cénomaniens révèlent les restes d'une biodiversité foisonnante.

Cette exposition, présente environ 200 spécimens provenant de diverses collections : du  Musée Vert, du laboratoire Géosciences de l'université de Rennes, du Centre de valorisation des collections scientifiques de l'université de Poitiers et du Carré Plantagenêt au Mans, de collections privées (Éric Dépré, Jean-Pierre Pineau...).

 

L’exposition débute par la présentation d’un rare ensemble d’ammonites provenant majoritairement de la Sarthe, mais aussi de Seine-Maritime et du Pas-de-Calais : on retiendra notamment un lot d’ammonites du genre Calycoceras de la région du Mans (Calycoceras asiaticum, C. genteni, C. guerangeri), de nombreux spécimens aux espèces variées issus de la région de Saint-Ulphace (Acanthoceras rhotomagense, Scaphites obliquus, Forbesiceras largilliertianum) dont un splendide et rare exemplaire de l’ammonite hétéromorphe Turrilites costatus.

Ammonites du Cénomanien

Puis une grande vitrine présente majoritairement des bivalves, des rudistes et quelques nautiles de la Sarthe et de Charente-Maritime. Parmi les fossiles remarquables, nous retiendrons les très beaux exemplaires de Caprina adversa provenant du gisement côtier de Dolus sur l’île d’Oléron (Charente-Maritime), ainsi que deux planches à feutrine, présentant un ensemble de bivalves sarthois découverts au XIXe siècle par le naturaliste Édouard Guéranger.

 

Ensuite, le visiteur est invité à découvrir le monde végétal. De grands panneaux muraux permettent d’en savoir un peu plus sur le Cénomanien et sur l’évolution des plantes ; notamment sur l’apparition et la rapide diversification des plantes à fleurs. Une vitrine en particulier, présente un ensemble de fossiles de végétaux sarthois, charentais et poitevins : du bois, des feuilles et d’exceptionnels nodules d’ambre contenant parfois des insectes. En particulier, plusieurs morceaux d’ambre sarthois sont présentés, provenant de la région d’Écommoy (carrière de Bezonnais) et de Précigné (la découverte de l’ambre sarthois est attribuée au naturaliste Louis Maulny en 1802) qui ont été étudié à partir des années 60 pour la richesse de leurs inclusions en restes d’insectes remarquablement bien conservés. Mais ce qui fait surtout l’attrait de cette vitrine, c’est la présence d’ambre charentais (qui fait l’objet d’études approfondies depuis plusieurs années maintenant) désormais connu mondialement pour sa richesse en restes fossiles inédits : on retiendra avant tout l’imposant bloc d’ambre brun opaque provenant des sablières de Cadeuil, mais aussi les très nombreux nodules issus des carrières d’Archingeay-les-Nouillers qui ont permis la mise en évidence de milliers de restes d’insectes (fourmis primitives, punaises, grillon-taupe, pseudoscorpions, blattes, centipède geophilomorphe  (Chilopoda), acariens, araignées, charançons, psoque, nymphes de perce-oreilles, guèpe diapriidee…) et même de  vers, de mouches, de crustacés et des plumes de dinosaure, grâce à la microradiographie et à la microtomographie par rayons X (synchrotron de l’ESRF de Grenoble). Certains de ces insectes ont été restitués virtuellement grâce à des logiciels informatiques spécifiques avant d’être modélisés en 3 dimensions grâce à des imprimantes 3D. Des modèles d’étude agrandis sont d’ailleurs présentés dans cette vitrine afin de mettre en évidence l’anatomie de certains de ces insectes.

Cette vitrine présente également des fossiles de végétaux (rameaux de branches, feuilles) d’une étonnante qualité de conservation provenant du Poitou et des charentes. On citera les fossiles de feuilles découverts par E. Dépré dans les argiles de la région de Tonnay-Charente (Charente-Maritime)  mais aussi ceux découverts plus récemment par P. Ferchaud et l’équipe de l’université de Poitiers dans la région de Jaunay-Clan, sur le tracé de la LGV SEA. Ce dernier gisement a révélé un véritable Lagerstatte dans lequel des milliers de restes de végétaux ont pu être exceptionnellement préservés dans des dépôts argileux très fins.

 

La suite de l’exposition nous fait quitter le monde végétal et s’intéresse davantage aux restes de vertébrés présents dans le Cénomanien français et international. Ici aussi on retrouve des fossiles charentais avec, en premier lieu, les restes du reptile marin Carentonosaurus mineaui. Ceux-ci ont été mis au jour au sein des affleurements de l’île Madame (Charente-Maritime), de Saint-Estèphe (Charente) et de façon exceptionnelle dans la région du Mans. Une reconstitution de ce reptile est également exposée. L’exposition propose par ailleurs de découvrir des fossiles d’animaux marins provenant des fameux gisements cénomaniens du Mont Liban (Ichtyotringa furcata, Pycnodonte trewavasia carinatus, Pycnodonte acromystax, Nematonotus longispinus, Exocaltoides minor, Aipichthys minor, Scyliorhinus sp…) dont une superbe tortue marine juvénile Rhinochelys nammourensis décrite tout récemment (2006). Un autre gisement mondial reconnu pour la qualité et le nombre de ses fossiles est celui des Kem-Kem marocains. Un certain nombre de spécimens fossiles issus de cette localité sont proposés au visiteur tel qu’un crâne de Mosasaure du genre Prognatodon, partiellement dégagé de sa gangue phosphatée, ou encore un magnifique crâne du requin Carcharias amonensis, sur lequel on peut apercevoir dents, vertèbres et empreintes du crâne et des nageoires. 

 

Plusieurs autres vitrines invitent le visiteur à découvrir  d’autres groupes fossiles issus de gisements cénomaniens du monde entier : étoiles de mer (un magnifique exemplaire de Tethyaster guerangeri du Mans), oursins (plaque de Stereocidaris figueriensis de la collection JP Pineau, Thomasaster araidahensis, Claviaster lybicus, Balancidaris sp., Desoricidaris pouyannei, Archiacia gigantea de Charente-Maritime, Codiopsis doma de la Sarthe…), crustacés (Raninella trigeri du Mans, Cenomanocarcinus inflatus du Mans, Necrocarcinus labeschii…), de poissons (dent d’Enchodus de Charente-Maritime, reste de Protosphyraena perniciosa du Kansas, palais de Cosmodus cf. grandis de la Sarthe…), dont certains proviennent du Cénomanien sarthois.

Enfin, l’exposition nous propose de conclure ce voyage géologique dans le Cénomanien par la présentation de restes de dinosaures régionaux tels que des os de tortue de la famille des Solemydidae, un fragment d’humérus d’ornithopode, une vertèbre de plésiosaure, ou encore un fragment du fibula de dinosaure sauropode, découverts aux alentours Mans. On peut aussi observer d’impressionnantes dents ainsi qu’un crâne complet du théropode carnivore Spinosaurus aegyptiacus du Cénomanien du Maroc.

 

Au final, cette exposition ravira autant les amateurs éclairés et les passionnés de paléontologie en quête de spécimens fossiles rares et exceptionnels, que le grand public soucieux de partir découvrir cet étage géologique crétacé dont la région garde des traces importantes. Si vous passez au Mans, c’est un rendez-vous à ne pas manquer

Pour aller plus loin.

Notons qu’un colloque intitulé « Cénomanien 2016 » se tiendra du 27 au 29 avril 2016. (Co-organisé par le musée vert, le Centre de recherche sur la paléobiodiversité et les paléoenvironnements de l'université Pierre et Marie Curie (paris),  par le laboratoire Géosciences de l'université Rennes 1, ainsi que le Groupe Français du Crétacé).

 

A cela il faut ajouter diverses conférences qui se tiendront tout au long de l'exposition :

 

-Jeudi 8 octobre à 18h00

dans le cadre d’Effervescience et de la fête de la science

«Les changements climatiques au cours de l’histoire de la Terre»

Par Pierre Sépulchre (laboratoire des Sciences du Climat, Gif-sur-Yvette)

-Jeudi 19 novembre à 18h00

«L’ambre et l’évolution des insectes»

Par Vincent Perrichot (Université de Rennes)

-Jeudi 3 décembre à 18h00

«Les nouveaux reptiles marins du Crétacé»

Par Nathalie Bardet (Muséum national d’Histoire naturelle)

-Mardi 19 janvier 2016 à 18h00

«Dinosaures et mammifères du Cénomanien»

Par Romain Vullo (Universtié de Rennes)

-Jeudi 25 février à 18h00

«Traces et autres mystères paléontologiques»

Par Gérard Breton (chercheur libre, universtié de Rennes)

-Jeudi 10 mars à 18h00

«La protection du patrimoine géologique français»

Par Patrick de Wever (Muséum national d’Histoire naturelle)

-Jeudi 21 avril à 18h00

«Le grès roussard»

Par Luc Chanteloup (Université du Maine)

-Jeudi 26 mai à 18h00

«Le minerai de fer cénomanien»

Par Jean-Yves Langlois (INRAP)

 

Enfin, nous vous conseillons aussi de profiter de l’occasion pour visiter la salle « Jurassique Sarthe » qui présente  des fossiles contemporains des dinosaures (avec notamment un superbe squelette d’Elasmosaure) mais aussi des minéraux et des météorites.

Le Musée Vert

204, avenue Jean Jaurès – 72100 Le Mans

Tél : 02.43.47.39.94

www.lemans.fr/musees

Horaires d'ouverture

du lundi au vendredi de 9h à 12h et de 14h à 18h

Le dimanche de 14h à 18h

Entrée demi-tarif)

Plein tarif : 3€

Gratuité : moins de 18 ans, étudiants et demandeurs d'emplois

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