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Exposition - "Une imagerie des dinosaures",  au muséum d'histoire naturelle de La Rochelle(Charente-Maritime 17)

Par Aurélien Morhain

Le muséum d’histoire naturelle de La Rochelle vous propose depuis la fin du mois d'avril (et jusqu'au 5 octobre 2015), une exposition temporaire installée dans le « cabinet des dessins », intitulée « une imagerie des dinosaures ». Celle-ci est avant tout l’occasion pour le grand public de découvrir l’évolution de notre perception de ces animaux à travers le temps : des premières descriptions de ces « lézards terribles » au 19e siècle, aux moulages et automates actuels, le visiteur est invité à revenir sur différentes étapes qui ont marqué notre capacité à nous représenter ces animaux disparus que nous ne connaissons qu’à travers les restes fossiles qu’ils ont laissés figés dans la pierre. Cette exposition est également l’occasion de découvrir les travaux de Mazan, ce dessinateur de BD qui  suit depuis plusieurs années maintenant le chantier de fouilles paléontologiques d’Angeac en Charente, et ceux de Michel Fontaine, dont les travaux de reconstitution en paléontologie sont désormais connus et reconnus à travers la France (et au-delà) et qui est périodiquement sollicité par les institutions et les spécialistes  afin de proposer des reconstitutions de dinosaures (notamment) que ce soit sous forme de dessins ou de modèles en 3 dimensions.

De la curiosité à la science.

Au 19e siècle en France, tout comme dans d’autres pays européens, apparaissent les premières tentatives de reconstitutions anatomiques de dinosaures. A cette époque, les découvertes de grands reptiles fossiles se multiplient et une grande fascination se développe autour de ces animaux énigmatiques aux proportions démesurées. En 1842, l’anatomiste Richard Owen les rattache à un groupe disparu, l’ordre des Dinosauria. Bientôt, une véritable dinomania s’empare du grand public et des savants de l’époque, motivant la découverte de gisements d’une richesse incroyable et de squelettes de mieux en mieux conservés et de plus en plus complets. Peu à peu, les scientifiques du monde entier tentent de reconstituer ces squelettes afin de prendre la pleine mesure de leurs proportions et de leurs spécificités anatomiques. Le 19e siècle, tout comme le début du 20e siècle, voient donc l’apparition, dans tous les grands musées d’histoire naturelle d’Europe, de sections de paléontologie afin d’accueillir fossiles énigmatiques et squelettes de dinosaures remontés. Très vite, c’est un vaste commerce qui se met en place devant la demande croissante de dinosaures montés. Il faut dire que ces derniers représentent des attractions très attendues par le grand public de l’époque ! 

 

Ces dinosaures assemblés ont parfois donné lieu à de curieuses postures. Nous pouvons ainsi citer le montage des Iguanodon découverts à la fin du 19e siècle à Bernissart en Belgique : le premier fut assemblé en 1882 par Louis de Pauw sous la direction de Louis Dollo qui était alors convaincu que ces animaux étaient bipèdes, proposant d’utiliser comme « patron » des squelettes de kangourous (pour la queue) et d’autruches (pour le bassin et les membres postérieurs). Ces postures sont encore aujourd’hui celles de la majorité des Iguanodons exposés à l’Institut royal des sciences naturelles de  Belgique, témoignant des connaissances et convictions de l’époque. Ces postures bipèdes ont depuis été réfutées grâce aux nouvelles connaissances apportées par d’autres disciplines scientifiques telles que la géologie ou la paléo-écologie par exemple.

Montage des Iguanodon découverts à Bernissart en Belgique à la fin du 19e siècle.

Une imagerie en constante évolution.

Parallèlement à ce désir de reconstitutions anatomiques grandeur nature, les scientifiques se sont posé très tôt la question de l’apparence des dinosaures. A quoi pouvaient donc ressembler ces animaux gigantesques ? Etaient-ils agiles et rapides ou au contraire lents et patauds ? Étaient-ils de dangereux prédateurs assoiffés de sang ?... L’exposition du muséum de La Rochelle nous invite, à travers plusieurs vitrines, à jeter un regard critique sur l’évolution des représentations des dinosaures. Au centre de ce cabinet des dessins, une grande vitrine nous permet de découvrir des figurines et des moulages de dinosaures réalisés au 19e siècle et au début du 20e siècle : on peut y observer plusieurs genres de dinosaures devenus célèbres tels que le Stégosaure, le Triceratops  ou encore le Diplodocus et le Megalosaure. Il est intéressant de constater que leur physionomie générale est bien éloignée de nos représentations actuelles : leur corps est généralement très massif, leur dos creusé et leur allure pataude, la queue reposant sur le sol et se tenant systématiquement sur quatre pattes...

 

En face de cette vitrine une autre, plus basse, nous propose plusieurs exemplaires d’ouvrages significatifs permettant d’observer différentes scènes représentant des dinosaures. L’exemple le plus parlant est sans aucun doute l’ouvrage de Louis Figuier intitulé « La Terre avant le déluge » édité en 1863 : ce livre de vulgarisation, alors destiné à la jeunesse, proposait 26 planches réalisées par Édouard Riou reconstituant des dinosaures et leurs environnements à différentes époques géologiques. La scène présentée ci-dessous nous fait vivre un combat féroce entre un Iguanodon et un Mégalosaure, tous deux représentés quadrupèdes et munis de dents acérées. Une représentation qui prête aujourd’hui à sourire lorsqu’on sait que le genre Iguanodon appartient à une famille de dinosaures herbivores et que Megalosaurus est en fait un théropode bipède.

"La Terre avant le déluge", ouvrage de Louis Figuier ; 1863.

Ces reconstitutions fantaisistes pour l’homme du 21e siècle permettent de donner la mesure des progrès réalisés par les différentes disciplines de la paléontologie. Ces gravures et représentations anciennes proposées par le muséum d’histoire naturelle de La Rochelle rappellent en outre l’importance du travail de l’artiste-dessinateur dans le domaine de la paléontologie. « Les artistes sont les yeux des paléontologues, et les peintures sont les fenêtres à travers lesquelles les non- spécialistes peuvent voir le monde des dinosaures » disait Dale Russel en 1987. Plus que n’importe quelle description écrite, ces représentations fixent pour longtemps dans l’imaginaire du grand public, une représentation saisissante de ces mondes disparus.

Vignettes à collectionner datant de 1905 et éditées pour les chocolats de la marque Aiguebelle.

Des reconstitutions plus vraies que nature.

Aujourd’hui, les musées du monde entier présentent au public des reconstitutions de dinosaures. Celles-ci peuvent prendre des formes très variées : peintures, dessins et fresques, dioramas en trois dimensions, maquettes et même… des automates robotisés et des images de synthèse ! Ces représentations gardent encore aujourd’hui un grand intérêt car elles permettent de se projeter facilement dans des périodes peu connues de l’histoire de la Terre. Celles-ci sont généralement classées en catégories allant de la reconstitution scientifique rigoureuse à l’illustration spectaculaire ou fantaisiste. Les musées actuels tendent de plus en plus à proposer aux visiteurs des reconstitutions à vocation réaliste, souvent élaborées grâce à l’étroite collaboration des artistes et des scientifiques spécialisés. Mais, même si ces reconstitutions constituent un outil formidable tant pour les visiteurs que pour les scientifiques,  cette quête de vérité a ses limites et il ne faut pas perdre de vue que celles-ci gardent une part de subjectivité (couleur ou texture de la peau, présence ou non de plumes, manière de se mouvoir…). Et il faut bien entendu se garder de les percevoir comme une photographie virtuelle de mondes ou d’animaux disparus, les paléontologues affinant sans cesse leur compréhension des dinosaures au fur et à mesure des nouvelles découvertes.

 

Afin de mettre en avant l’importance et l’intérêt du travail de ces artistes, le muséum d’histoire naturelle de La Rochelle a choisi dans cette exposition, de nous présenter les réalisations de Michel Fontaine  et de Pierre Lavaud, alias Mazan, artistes-dessinateurs tous deux passionnés par les dinosaures et la paléontologie. Le premier s’est spécialisé dans la représentation scientifique rigoureuse tandis que le second, dessinateur de bandes dessinées, propose à ses lecteurs sa perception personnelle de dinosaures et d’environnements anciens, mettant en avant des atmosphères uniques. Deux approches différentes que cette exposition nous invite à décrypter.

Ci-dessus, un aperçu du travail de reconstitution réalisé par Michel Fontaine sur un dinosaure théropode. © Michel Fontaine

Michel Fontaine.

Michel Fontaine est dessinateur, sculpteur et photographe. Ses Illustrations, peintures, sculptures et reconstitutions portent sur les animaux qu’ils soient disparus ou actuels. Depuis 1989, date à laquelle il a pu participer à sa première collaboration avec une équipe de paléontologues, Michel Fontaine a décidé d’orienter son travail vers cette science, celle-ci lui permettant d’allier deux passions, le contact avec le terrain d’une part et la paléontologie d’autre part (qui le fascine depuis son enfance). Parallèlement, celui-ci a développé des connaissances approfondies en anatomie afin de produire des illustrations et des sculptures privilégiant avant tout les données scientifiques. Il participe donc aux travaux de recherches des spécialistes et apporte sa contribution à leurs projets en illustrant la faune fossile, que ce soit pour des publications scientifiques, des ouvrages de vulgarisation, des documentaires télévisés ou des modèles en trois dimensions pour les musées. Michel Fontaine a ainsi travaillé sur les plus importants chantiers paléontologiques de ces dernières années comme celui d’Espéraza ou plus récemment d’Angeac en Charente (cf. photos ci-dessous) et travaille périodiquement pour le Muséum National d’Histoire Naturelle à Paris.

Pierre Lavaud alias Mazan.

Pierre Lavaud, plus connu sous le pseudonyme de Mazan, est un artiste-dessinateur de bandes dessinées vivant à Angoulême en Charente. Depuis la fin des années 80 cet artiste réalise intégralement ses histoires, du scénario aux dessins, sans oublier ses mises en couleurs, aux gammes très originales. Rigoureux et ayant le souci du détail, Mazan est un véritable miniaturiste. Ses réalisations tout comme ses scripts sont souvent le fruit de longs travaux de recherche. Passionné par l’histoire en général et la paléontologie depuis son plus jeune âge, c’est tout naturellement qu’il s’est intéressé depuis 2010, aux incroyables découvertes qui se sont faites non loin d’Angoulême, dans une carrière située sur le territoire de la commune d’Angeac. Mazan y voit aussitôt une grande source d’inspiration et se rapproche des paléontologues encadrant le chantier de fouilles. Au final, s’instaure une véritable collaboration, Mazan croquant peu à peu les différentes étapes d’un chantier de fouilles ainsi que ses acteurs et les fossiles qui en sont exhumés. Certains de ses dessins sont utilisés pour la création d’affiches didactiques permettant de rendre intelligible aux visiteurs le fameux chantier de fouilles. En 2012, un projet artistique ludo-éducatif voit le jour, Mimo, une bande dessinée consacrée au chantier d’Angeac et destinée aux enfants, dans laquelle il personnifie et met en scène les genres de dinosaures les plus emblématiques découverts sur place.

Au final, cette exposition est une véritable machine à remonter le temps, permettant à tout un chacun de se pencher sur les évolutions de notre perception de ces étranges et énigmatiques animaux qu’étaient les dinosaures. En ce début de 21e siècle, « il est étonnant de constater à quel point notre univers quotidien reste envahi par les dinosaures et leur image. Malgré l’habileté du marketing, les dinosaures n’auraient jamais rencontré un tel succès s’ils ne produisaient qu’un simple divertissement frissonnant. « Grands, féroces et éteints », voilà ce qui, d’après S.J. Gould, ferait le succès des dinosaures, autant dire qu’ils sont inscrits dans notre inconscient, à la manière des contes de notre enfance, entre le merveilleux et l’épouvantable. »  JF. Tournepiche (conservateur du musée d’Angoulême).

Pour aller plus loin.

Le site-web de Michel Fontaine : Michel-Fontaine.com

 

Le site-web de Mazan : Petit carnet paléo

Ci-après un lien-web vers un article pdf intitulé "donner vie à un dinosaure : du dessin à la sculpture", permettant de détailler les étapes des travaux de reconstitutions de Michel Fontaine :  cliquez ici

 

Ci-après, un lien web vers un article pdf "des dinosaures en représentation, que faire des images (dé)passées de dinosaures ?", proposé par E. Huet, (doctorante en muséologie, Grande galeire de l'évolution, Paris) : cliquez ici

 

Ci-après, un lien vers un article du journal Sud-Ouest, revenant sur la carrière et sur le travail de Mazan, agrémenté de 4 vidéos : cliquez ici

Les albums-photos à la une !

Le Burdigalien inférieur de Gironde

 

Album 1

 

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Le MHN de La Rochelle

 

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Le gisement paléontologique d'Angeac

 

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Le MNHN de Paris

 

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