Introduction.
Voici quelques temps maintenant que le petit village d’Angeac-Charente enthousiasme les passionnés de paléontologie et les scientifiques français…. Et ce n’est pas un hasard ! L’endroit est devenu en moins de deux ans, un lieu incontournable pour l’étude des écosystèmes continentaux du Crétacé inférieur moyen. Cet important gisement, révélé dans une carrière de la commune en 2008, permet en effet l’étude d’une période assez peu connue en Europe occidentale, qui correspond à l’Hauterivien terminal ou au Barrémien basal (-130 à -125 Millions d’années). Celui-ci vient confirmer la richesse paléontologique du grand-ouest français, déjà très connu par d’autres gisements majeurs (Bérriasien de Cherves-Richemont ; Albien-Cénomanien d’Archingeay…).
Ces dépôts lignitifères marneux (faciès wéaldien) se sont révélés particulièrement riches en matériel fossile : de nombreux restes de végétaux parfois de grande taille ont pu être découverts, mais aussi des graines et des feuilles sans oublier de très nombreux restes de vertébrés parmi lesquels plusieurs genres de dinosaures, des poissons, des tortues ou encore des crocodiles. Et il y a fort à parier que de nouvelles découvertes nous seront encore révélées ces prochaines années, le gisement s’étendant sur plusieurs centaines de mètres carrés. Toutes ces données permettent dors et déjà de combler à l’échelle de la France une lacune d’observation pour cette période de l’histoire de la Terre. Le présent article se propose donc de faire le point sur les découvertes réalisées depuis trois ans sur ce gisement (2010-2012).
Situation géographique.
Le gisement étudié ici se situe dans la partie septentrionale du Bassin aquitain, dans la région d’Angoulême. Cette région qui s’appuie sur le Massif Central à l’est et le seuil du Poitou au nord, constitue un territoire peu vallonné occupé par de vastes plaines légèrement déprimées vers le fleuve Charente qui serpente jusqu’à l’océan, situé quelques kilomètres plus à l’ouest. Implanté sur la rive gauche du fleuve, le village d’Angeac-Charente se trouve à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest d’Angoulême et à une douzaine de kilomètres au sud-est de Jarnac. Ce secteur géographique est occupé par de nombreuses exploitations agricoles. On y trouve également quelques carrières pour l’exploitation des sables cénomaniens et des graviers quaternaires. C’est dans l’une de ces carrières que le gisement a été localisé.
Historique des travaux sur le
Wéaldien.
La succession lithologique reconnue à Angeac-Charente appartient à l’Hauterivien terminal ou au Barrémien basal, des niveaux du Crétacé inférieur peu connus en Europe et inédits en France. A Angeac ils se caractérisent par un ensemble lignitifère à dominante marneuse, riche en matériel fossile. Le caractère fossilifère de ces niveaux représente donc une opportunité exceptionnelle pour l’étude des écosystèmes de cette période inconnue en France. Il est important de noter que les dépôts lignitifères appartenant au Crétacé en Charente et Charente-Maritime sont relativement importants. Ceux-ci ont d’ailleurs été étudiés de longue date par les auteurs anciens. Le premier fut Louis-Benjamin Fleuriau de Bellevue, un naturaliste rochelais : en 1817 celui-ci relève les restes de ce qu’il interprète comme une « forêt engloutie » entre Fouras et l’île d’Aix, décrivant pour la première fois des dépôts lignitifères dans la région. (Ceux-ci ont depuis été attribués au Cénomanien inférieur et moyen). Puis Alexandre Brongniart en 1823 reprit les travaux de Fleuriau de Bellevue dans son « Dictionnaire des sciences naturelles », montrant que ces dépôts lignitifères sont présents sur une large zone géographique couvrant également la région d’Angoulême. Il attribua alors ces derniers au Wéaldien (Brongniart 1829), un niveau géologique très connu en Angleterre ou en Espagne par exemple.
Dans les mêmes années, Henri Coquand (1857-1858), à qui l’on doit un ouvrage de référence sur la géologie du département de la Charente, définit le faciès gardonien (Crétacé moyen) à partir d’une coupe de terrains dans le département du Gard et rapporte les ensembles lignitifères crétacés charentais à celui-ci. En Charente, Coquand avait identifié le Gardonien autour de Cognac et Angoulême, notamment sur les communes de Saint-Brice, Bourg-Charente, Jarnac ou encore Châteauneuf (Bourgeuil et Moreau 1967). Le potentiel paléontologique de cette formation est donc connu depuis le XIXe siècle, mais il n’avait encore jamais été révélé dans de telles proportions. Coquand avait même à son époque découvert « une vertèbre d’un reptile de grande taille » dans la région d’Angoulême, mais sa localisation précise n’a jamais pu être déterminée (Néraudeau et al. 2012).
Depuis cette époque, de nombreux gisements lignitifères ont été réétudiés et permettent aujourd’hui de préciser notre connaissance de ces faciès : ces dépôts largement répandus dans le sud-ouest de la France appartiennent en réalité à des niveaux géologiques différents, espacés parfois de plusieurs millions d’années.
Les dépôts lignitifères les plus anciens reconnus dans les Charentes appartiennent au Bérriasien (Crétacé inférieur) et ont été étudiés sur le fameux gisement de Cherves-Richemont au début des années 2000 (Mazin et al., 2006, 2008; Pouech, 2008; Billon-Bruyat et al., 2010). On trouve ensuite les dépôts lignitifères à ambre reconnus à Tonnay-Charente et à Archingeay : ceux-ci appartiennent à l’Albien terminal et au Cénomanien basal. Enfin, au-dessus on trouve les dépôts à lignite de Jarnac, puis de Fouras-Aix plus largement répandus et datés du Cénomanien moyen. Les dépôts lignitifères angeacais viennent donc combler une lacune d’observation constatée entre le Bérriasien de Cherves et l’Albien terminal de la région d’Archingeay-les-Nouillers.
Le gisement d'Angeac : histoire d'une
découverte.
La découverte du gisement d’Angeac a été rendue possible grâce à la vigilance de la famille Audouin et à celle de ses employés qui ont su reconnaitre et ramasser les restes de grands vertébrés issus de leur carrière depuis plusieurs années maintenant. Cette exploitation de graviers alluvionnaires quaternaires n’avait jusqu’ici livré que des restes squelettiques appartenant à des mammouths ou des éléphants antiques. Mais en 2008, les carriers ont mis au jour une vertèbre de 30 centimètres de diamètre, difficilement attribuable à celle d’un éléphant. Après avoir été examinée, cette vertèbre a été attribuée à un animal de la famille des sauropodes. On suppose alors que la vertèbre a été remaniée dans les dépôts du quaternaire et qu’elle provient d’une couche mésozoïque inférieure.
En février 2010, de nouveaux os de sauropode sont mis au jour (six vertèbres, trois métapodes et un fémur partiel). Ces découvertes surprenantes ont marqué le début de travaux de prospection dans la carrière, mis en place avec l’accord de la compagnie Audouin. Deux sondages sont donc entrepris à des endroits distants afin de déterminer l’organisation et la nature des couches géologiques de cette localité, ainsi que l’étendue de la zone fossilifère. Rapidement ce sont de nombreux restes fossiles qui sont remontés de ces deux sondages, parmi lesquels de très nombreux os de dinosaures. D’autres sondages effectués ultérieurement sont venus confirmer le potentiel paléontologique de la zone ainsi que son étendue, estimée alors à 10 000 m² ! Les chercheurs et conservateurs dépêchés sur place (D.Néraudeau, R.Vullo et J.F. Tournepiche) se rendent alors rapidement compte de l’importance de ce gisement : leurs premières analyses sédimentologiques et paléontologiques semblent indiquer des dépôts du Crétacé inférieur et sans doute d’une période inédite en France. La famille Audouin propriétaire de la carrière autorise finalement l’équipe de chercheurs à programmer des fouilles dans une partie de la carrière, l’été 2010. Au total trois campagnes de fouilles ont pu être menées jusqu’à maintenant : chaque été, une équipe de chercheurs et de fouilleurs, sous la direction de D. Néraudeau, travaille au dégagement minutieux du matériel préservé dans les marnes d’Angeac. Pour le moment, ce sont plus de 500 ossements de dinosaures qui ont pu être mis au jour, mais aussi des restes de tortues, de poissons, de crocodiles et même des arbres...
Devant le caractère exceptionnel du gisement, le Conseil Général de Charente s’est finalement porté acquéreur le 22 juin 2012 d’une zone de 75 ares dans la carrière, afin de pouvoir y mener des fouilles minutieuses pendant plusieurs années. Le Département pense également mettre en place un centre d’interprétation sur site afin de valoriser et de faire découvrir ce gisement exceptionnel au grand public.
Une équipe de chercheurs presque exclusivement française, coordonnée par D.Néraudeau (CNRS Univ. Rennes 1) (il est originaire de la région et a beaucoup étudié le Crétacé des Charentes), a été mise en place afin d’étudier cet incroyable matériel qui s’accumule un peu plus chaque année. Parmi ces scientifiques on peut citer : Ronan Allain (MNHN Paris UMS0203, UMR7207), David Batten (Angleterre), Eric Buffetaut (CNRS UMR8538), Bernard Gomez (Univ. Lyon I, UMR CNRS 5125), Jean Le Loeuff (CNRS UMR 8538), Edwige Masure (MNHN Paris UMS0203, UMR7207), Jean-Michel Mazin (UMR 5276 CNRS / ENS Lyon), Joane Pouech (UMR5125, Lyon 1) et Romain Vullo (CNRS UMR6118).
Contexte stratigraphique.
La série angeacaise, attribuée à l’Hauterivien-Barrémien, constitue ainsi le troisième ensemble lignitifère crétacé recensé dans la région charentaise (et plus largement dans le centre ouest). Celle-ci constitue en outre la première occurrence du Crétacé inférieur moyen, caractérisé par des faciès typiques du Wéaldien (plus largement connu en Angleterre (ile de Wight), en Espagne (Province de Cuenca) et en Chine (Province Liaoning)). De façon générale, les différentes assises géologiques dans le secteur d’Angoulême déterminent deux régions naturelles : la partie nord du département, au-dessus d’une ligne Cognac-Angoulême-Grassac-Combiers, laisse apparaitre les terrains les plus anciens (Jurassique sup. et Crétacé inf.) allant du Tithonien au Berriasien. Au sud de cette ligne, les terrains appartiennent majoritairement au Crétacé supérieur, les assises du Cénomanien reposant en discordance sur les derniers niveaux du Jurassique supérieur. Les formations crétacées dans cette partie sud, sont très peu visibles et ne sont de ce fait accessibles qu’en carrières.
A Angeac, comme ailleurs au sud de la Charente, les terrains affleurant ne laissent apparaitre que deux types de dépôts :
- des graviers alluvionnaires d’âge Quaternaire.
- un ensemble argilo-sableux d’âge Cénomanien ou Turonien.
Dans les carrières Audouin, la couche alluvionnaire quaternaire (de 4 à 8 mètres d’épaisseur), repose directement sur un ensemble argileux et calcaire appartenant vraisemblablement au Barrémien basal ou à l’Hauterivien terminal (130 à 125 M. d’années). Il s’agit plus exactement ici d’argiles bleues à jaunes riches en lignite (bois, fructifications, feuilles, branches, troncs…) et en restes de vertébrés fossiles regroupées comme nous l’avons vu plus haut, dès le XIXe siècle par Henri Coquand sous le terme « Gardonien » (1856-1860 in Géologie de la Charente). Ce faciès a été plus largement reconnu dans le reste du monde où il prend le nom de « Wéaldien » (en référence à la région de Weald en Angleterre). Partout où il a été observé le Wéaldien s’est avéré très fossilifère. C’est un faciès typiquement continental (argiles, grès et conglomérat). Toutefois il n’est observable que par intermittence dans les Charentes en raison de la transgression cénomanienne (Moreau 1993). Comme nous l’avons déjà souligné, cette irrégularité stratigraphique a d’ailleurs été observée dans la carrière d’Angeac lors des sondages effectués en 2010.
Ces quelques niveaux peu épais décrivent donc une série sédimentaire très riche. Le bone-bed indiqué dans le schéma ci-dessus, inclut les unités An1 à An4. A Angeac la série wéaldienne s’organise comme suit (de haut en bas) :
Unités An1 à An5 (d’après Néraudeau et al. 2012).
- An1 : 0.10 à 0.20m dont l’épaisseur varie et qui est parfois inexistante. Sable blanc à gris fin riche en dents et écailles de poissons ; cette fine couche présente une surface érodée, probablement causée par l’ancien lit du fleuve Charente. Quelques rares os oxydés sont retrouvés dans ce niveau.
- An2 : 0.20 à 0.40m. dépôts calcaires beiges-jaunâtres à gris à stratification irrégulière avec intercalation verticales et latérales entre marnes et calcaires. Ces sédiments sont riches en reste de vertébrés éparses. On relève également dans ce banc des traces arrondies. Ces structures pourraient être interprétées comme des traces de pas ou de piétinements. Mais cette interprétation aura besoin d’être confirmée.
- An3 : 0.20m à 0.40m. Conglomérat calcaire gris à beige. Les dents de croco sont relativement abondantes. On relève aussi bcp de cuticules de bois et de plantes. Des ostracodes, des charophytes, des insectes (thermite), des coprolites très abondants. Des os de différentes tailles (de 1cm à plus d’un mètre). Parfois de très gros os. Certains font partie de l’unité An4.
- An4 : 0.50 à 1.00m. Marnes gris-bleutées extrêmement riche en lignite (fragments de bois et de cuticules) et qui contient de grands os de dinosaures très bien conservés. On trouve également des morceaux d’arbres très importants. La partie supérieure de ce banc (les centimètres supérieurs) sont riches en graviers calcaires.
- An5 : (plus de 0.70m. base non visible). Marnes vertes dépourvues de restes fossiles importants. Lentilles Calcaires ; bloc calcaires gris-verdâtres, possiblement remaniés.
- A noter : Certains os positionnés verticalement se retrouvent dans plusieurs niveaux.
Contenu fossilifère.
A Angeac, l'ensemble argilo-marneux constituant le bone-bed s'est révélé d'une richesse incroyable en restes fossiles d'une remarquable conservation. Sur les quelques mètres carrés fouillés minutieusement depuis trois ans, ce sont des dizaines d'organismes différents qui ont pu être identifiés. En voici la liste exhaustive :
La flore.
En ce qui concerne la flore, les analyses palynologiques ont révélé une grande abondance de graines, cuticules, spores et
pollens fossiles, ainsi qu’une grande abondance de feuilles et branches, autant d'éléments qui permettront de reconstituer le paléoenvironnement de l'époque. Lors de la campagne de fouilles
2012 ces marnes ont même permis de mettre au jour plusieurs troncs subcomplets dont un spécimen dépassant les 9 mètres de long.
Il s’agit pour la plupart de restes de conifères (An3 et An4) : on relève la présence du genre Watsoniocladus (Srinivasan,
1995), caractéristique du Crétacé inférieur et qui n'avait jamais
été recensé dans un gisement français ; ainsi que le genre Agathoxylon (Hartig, 1848), un araucaria bien connu des dépôts jurassiques et
crétacés de Charente notamment (dans le Tithonien, le Berriasien
et l’albien des charentes), (Néraudeau et al., 2002, 2003). Cependant, même si ces restes sont relativement complets, dans la plupart des cas les spécialistes n’ont pu les identifier avec précision. Les dépôts angeacais ont aussi
permis de découvrir des restes de Charophytes, des algues aquatiques d’eau douce, appartenant à différentes espèces typiques du Crétacé
inférieur (Néraudeau et al.
2012).
Les invertébrés.
A Angeac, la microfaune se compose à la fois de restes d’origine continentale et d’origine aquatique : de nombreux ostracodes, des foraminifères (plus rares), représentés par plusieurs espèces dont une est caractéristique de l’Hauterivien-Barrémien, enfin de gros bivalves et des restes de gastéropodes d’eau douce ou saumâtre non identifiables. Les fouilles ont également permis la mise au jour de nombreux coprolithes de thermites appartenant à une espèce généralement associée à Agathoxylon (Hartig, 1848).
Les vertébrés.
Les restes de vertébrés sont de loin les plus nombreux au sein du bone-bed (couches An1 à An4). Ce ne sont pas moins de 1500 os et dents qui ont pu être mis au jour au cours des trois campagnes de fouilles menées jusqu’ici sur le gisement. Parmi ces restes squelettiques, les scientifiques ont pu dénombrer : six genres de dinosaures différents (herbivores et carnivores), parfois de très grande taille, des tortues, un sélacien, des poissons, des crocodiles… Pour la plupart, il s’agit de macro-restes, les micro-restes étant assez rares dans les sédiments d’Angeac. Nous vous proposons ci-dessous un inventaire de cette faune de vertébrés.
1- Les dinosaures.
Les herbivores.
Ils sont de tailles variées à Angeac.
Parmi ceux-ci, on recense pour le moment :
- Le genre Ankylosaurus, connu par seulement deux vertèbres. Il reste donc impossible pour le moment de déterminer plus précisément cet animal.
- Un sauropode, dont la morphologie s’apparente à celle des espèces Turiasaurus riodevensis ou Tastavinsaurus sanzi (Canudo et al., 2008) (également recensées dans des gisements du Crétacé inférieur d’Espagne). Ce sauropode est représenté à Angeac par plusieurs dents, des vertèbres, des os des pieds et des membres (fémurs et humérus). Cet animal devait être très imposant si l’on en juge par la taille de certains os tel le fameux fémur de 230 cm de long retrouvé lors des fouilles, le plus grand recensé à ce jour pour un sauropode européen. On suppose que cet animal devait mesurer dans les 30 à 40 mètres de long, et peser environs 40 tonnes.
- des ornithopodes, que les scientifiques cherchent encore à déterminer plus précisément. Ils sont connus à Angeac par des dents et quelques os.
. L’une de ces dents pourrait être rapportée au genre Hypsilophodon que l’on rencontre dans le Wéaldien de l’ile de Wight (Angleterre).
Une autre dent semble indiquer un second genre, de plus grande taille celui-ci, se rapprochant d’un Iguanodontidae.
Les omnivores.
Ils sont de petite taille et très nombreux à Angeac.
- Des ornithomimidés. De très nombreux restes de ces théropodes omnivores de petite taille ont été mis au jour (plus de 600 éléments de squelette). Les scientifiques supposent la présence d’au moins 15 individus juvéniles et adultes.
Retrouvez un reportage complet sur le gisement paléontologique d'Angeac (émission C'est pas sorcier) : cliquez ici
Les carnivores.
Iils sont de tailles variées à Angeac.
Parmi ceux-ci, on recense pour le moment :
- Des théropodes de taille moyenne proches des Allosauridés. Leurs restes sont très abondants au sein du bone-bed d’Angeac.
Près de 80% des os exhumés sur le gisement semblent appartenir à un Allosauridé dont la taille a été estimée à environ 9 mètres de long (Ronan Allain). Les scientifiques ont pu retrouver les restes d’au moins 5 individus différents, jeunes et adultes (déterminés grâce au nombre de fémurs retrouvés). Ces restes pourraient être attribués au genre Neovenator ( Hutt, Martill & Barker, 1996 ), déjà recensé dans le Crétacé inférieur de l’île de Wight en Angleterre.
- Un théropode de la famille des Abélisauroïdes, appartenant certainement au genre Eotyrannus ( Hutt et al., 2001), un ancêtre du fameux Tyrannosaurus rex. Le genre a été déterminé à partir d’une seule et unique dent. Il pourrait également s'agir du genre Carcharodontosaure, un autre théropode de grande taille.
2- Les vertébrés aquatiques.
- Des chéloniens : on recense au moins trois genres de tortues, représentés par de nombreux restes éparses (fragments de dossières essentiellement), appartenant aux Pleurosternidés (les plus courants) et aux Solémydidés.
- Des Poissons et un sélacien : une dent incomplète et les restes d’une petite épine dorsale attestent la présence du genre Hybodonte, un sélacien euryhalin relativement courant au sein des milieux à salinité réduite du Crétacé inférieur d’Europe occidentale. Des restes de poissons également (nombreuses écailles et dents), appartenant aux Ionoscopiformes, aux Semionotiformes, aux Pycnodontiformes et aux Amiformes (Néraudeau et al. 2010).
- Des reptiles aquatiques : les genres Plesiosaure et Pliosoraure sont attestés à Angeac grâce à quelques restes mal conservés.
- Des Crocodiliens : de très nombreuses dents de crocodiles appartenant certainement aux Bernissartidae, aux Atoposauridae et aux Pholidosauridae. Le genre Goniopholis est particulièrement présent.
Éléments paléoenvironnementaux.
La nature et l’organisation de la sédimentation à Angeac, indiquent la présence de conditions environnementales stables durant l’Hauterivien-Barrémien : la série observable ici est principalement composée de marnes dont le caractère monotone permet de supposer une constance des caractéristiques environnementales et climatiques.
Les premières analyses taphonomiques indiquent une mise en place rapide du site, les restes fossiles ayant gardé une fraicheur exceptionnelle : les animaux et organismes retrouvés ici n’ont subi qu’une très faible diagenèse et la proportion de restes roulés est relativement faible (Leprince A. 2012). Pour ces raisons, les scientifiques pensent que les organismes ont été fossilisés proche de leur biotope originel et qu’ils n’ont subi que peu de transport.
Ci-dessous :
paléoreconstitutions proposées par le dessinateur Mazan, qui suit le chantier de fouilles
d'Angeac.
La désarticulation des pièces squelletiques, la position transversale des os dans plusieurs niveaux simultanément et leur altération laissent supposer des remaniements plus ou moins prononcés, certainement causés par le courant d’un paléofleuve. Les scientifiques n’en sont qu’au début de leurs investigations mais déjà semble se profiler deux histoires taphonomiques très différentes entre les restes de sauropode et les nombreux spécimens d’Ornithomimosaures (Leprince A. 2012). Concernant ces derniers, on suppose de plus en plus l’existence d’un incident de masse ayant conduit à leur mort en ce point précis de la Charente. L’ensemble de ces restes végétaux et osseux ont poursuivi leur fissuration et fracturation lors de leurs remaniements dans le conglomérat, et peut-être même au cours d’une phase de piétinement plus tardive par d’autres animaux.
Comme nous l’avons détaillé plus haut, les restes fossiles découverts à Angeac proviennent à la fois d’environnements marins et continentaux. Au sein de l’unité An3, l’équipe de D.Néraudeau et Ronan Allain a en effet relevé la présence de restes d’organismes marins et/ou saumâtres : ceux-ci (restes de bryozoaires, d’échinides, de mollusques, de reptiles marins…) semblent relativement minoritaires et assez fréquemment roulés, ce qui laisse fortement supposer un remaniement de ces fossiles, provenant sans doute du Jurassique supérieur (Kimméridgien) qui affleure plus généralement aux alentours d’Angeac. La présence de ces témoins de milieux marins rend l’interprétation du site relativement délicate pour le moment.
Néanmoins, d’après les données compilées jusqu’à maintenant (algues, dinosaures, végétaux…), les scientifiques pensent plutôt à la présence d’un écosystème continental dulçaquicole, s'apparentant à une zone inondable d'un cours d'eau ou à un marécage, couvert d'une forêt peuplée principalement, peut-être même exclusivement, de conifères de la famille des Cheirolepidiaceae. Les connections au milieu marin, si tant est qu’il n’y en ait jamais eu, n’auraient été au mieux qu’intermittentes et de courte durée. Enfin, le climat supposé de cette époque serait de type tropical ou subtropical avec des pluies fréquentes durant la saison humide et de fortes chaleurs durant la longue saison sèche.
Pour aller plus loin.
Le « petit carnet paléo » de Mazan sur facebook : Cliquez ici
La pagefacebook "Fouilles Paléo" pour suivre l‘avancement du chantier paléontologique d’Angeac : cliquez ici
Quelques reportages vidéos :
- Reportage 1 : Cliquez ici
- Reportage 2 : Cliquez ici
- Reportage 3 : Cliquez ici
Quelques reportages vidéos sur Mazan :
- Reportage 1 : Cliquez ici
- Reportage 2 : Cliquez ici
Retrouvez des albums-photos portant sur les quatre campagnes de fouilles entreprises sur le gisement paléontologique d'Angeac, sur le blog de la ville d'Angoulême.
Retrouvez un album-photos de la campagne de fouilles 2012 sur le gisement paléontologique d'Angeac, sur le site-web de Nicole Bonnefoy, conseillère générale de la Charente.
Retrouvez un album-photos de la campagne de fouilles 2012 sur le gisement paléontologique d'Angeac, sur le site-web de Pascal Goetgheluck, photographe.
"Mimo, sur la trace des dinos", un ouvrage ludo éducatif qui éveillera les enfants au monde de la paléontologie. Ouvrage réalisé par Isabelle Dethan (scénariste, dessinatrice), Ronan Allain (paléontologue au MNHN de Paris), jean-François Tournepiche (conservateur du musée d'Angoulême) et Mazan (scénariste, dessinateur). Edité par les éditions Eidola.
Pour plus de renseignements sur ce t ouvrage,
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