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Vertébrés jurassiques

Le Jurassique en Charentes

Le Jurassique correspond à la seconde subdivision du Mésozoïque (ou ère secondaire = au milieu de la vie). On considère traditionnellement que cette période s’étend sur près de 56,3 millions d’années (de -201,3 ± 0,2 à -145 ± 0,8 Ma). Durant cet intervalle de temps considérable la vie à la surface du globe va connaître des changements, parmi les plus marquants de toute l’histoire de la Terre : la dislocation du super continent Pangée et la redistribution continentale qui en découle peu à peu, vont bouleverser périodiquement les climats et les environnements à la surface du globe (continentaux et marins). Le Jurassique est avant tout considéré comme l’âge d’or des grands dinosaures : pendant cette période ceux-ci sont amenés à conquérir les niches écologiques laissées vacantes par la disparition à la fin du Trias de leurs propres ancêtres, les Archosauriens (diapsides), pour finalement devenir les vertébrés terrestres dominants du Mésozoïque. Le Jurassique est aussi l’ère géologique qui a bien failli voir la disparition des ancêtres des mammifères, décimés par la crise survenue à la fin du Trias. Leurs descendants, minuscules mais présents, vont survivre pendant près de 140 Ma dans l’ombre des dinosaures.

 

Le Jurassique est divisé en trois époques, le Lias ou Jurassique inférieur, le Dogger ou Jurassique moyen et le Malm ou Jurassique supérieur. Globalement, le Jurassique est très représenté sur les deux Charentes : il affleure massivement en Charente-Maritime où il occupe la partie nord de ce territoire (l’Aunis) ainsi qu’en Charente où il occupe l’est de l’Angoumois, la Charente limousine et le Pays-Bas charentais.

 

Retrouvez dans le menu ci-contre les restes fossiles appartenant à ces niveaux géologiques.

Le Jurassique inférieur (Lias).


Dans les Charentes, de grandes portions du Jurassique sont accessibles que ce soit en falaise le long du littoral ou dans les terres, dans des carrières ou d’anciennes falaises vives. Le début de la période, appelé Jurassique inférieur ou Lias (-201,3 à -174,1 Ma) est relativement peu représenté sur le territoire des Charentes. Le Lias comprend trois époques, le Lias inférieur (composé de l’Hettangien et du Sinémurien), le Lias moyen (ou Pliensbachien) et le Lias supérieur (ou Toarcien). Concernant cette série sédimentaire, seul le département de la Charente permet l’étude de quelques affleurements dans les régions de Confolens, Montbron et Roumazières. Ces niveaux alternent entre calcaires dolomitiques et lits marno-sableux très fossilifères : le Toarcien local en particulier renferme une belle faune de mollusques et surtout d’ammonites relativement diversifiée.

 

Paléogéographie des Charentes au Jurassique inférieur.

Le monde au Jurassique inférieur. Copyright : Ron Blakey

La fin du Trias est marquée par l’une des cinq grandes crises de l’histoire de la Terre : l’extinction du Trias/Jurassique. Cette extinction massive tue environ 20 % des organismes vivant dans le domaine marin (de nombreuses espèces d’ammonites et de vertébrés aquatiques….) ; la plupart des groupes de reptiles archaïques (diapsides), ainsi que la grande majorité du monde végétal au sein du domaine continental. Au total, près de la moitié de la diversité biologique sur Terre disparait. Seuls le groupe des dinosaures, apparu une trentaine de millions d'années plus tôt et déjà bien diversifié, survit à ce bouleversement. Les causes de cette crise ne sont pas encore clairement identifiées et celle-ci pourrait s'être déroulée en plusieurs phases. (pour plus de détails ????).

 

Le début du jurassique inférieur est marqué (Mégaséquences J1 et J2 (Gabilly et alii, 1985)) par l’amorce d’une importante phase tectonique d’ampleur planétaire : le seul supercontinent existant, la Pangée, entouré d’un océan unique, la Panthalassa, commence à se disloquer en deux grandes masses continentales, la Laurasia (Eurasie + Amérique du Nord) au nord et le Gondwana (Amérique du sud + Afrique + Inde + Australie + Antarctique) au sud. Cette fragmentation provoque la création de nombreux couloirs inondés qui tendent à s’agrandir. Peu à peu l’Amérique du nord amorce sa séparation de l’Europe. Cette redistribution naissante entraine la création d’un vaste océan central baptisé Téthys, (du nom d’une déesse grecque). L’histoire de l’Europe à cette époque est donc indissociable de la vie marine : celle-ci est en effet recouverte par un milieu marin plus ou moins profonds en fonction des transgressions et régressions successives qui accompagnent les perturbations tectoniques. Globalement, le milieu marin décrit majoritairement des milieux de vie profonds, baignés par des eaux chaudes en raison de la proximité de la plaque européenne de l’Équateur. A l’échelle de la France, seuls le Massif Armoricain au nord, alors dénommé continent nord-atlantique, le Massif Central, une partie du Boulonnais et de l’Ardenne restent émergés.

Le Jurassique moyen (Dogger).


Le milieu de la période, appelé Jurassique moyen ou Dogger (-174,1 à -163.5 Ma) est relativement peu représenté sur le territoire des Charentes. Le Dogger comprend quatre époques, l’Aalénien, le Bajocien, le Bathonien et le Callovien. Concernant cette série sédimentaire, seul le département de la Charente permet l’étude de quelques affleurements dans les régions de Ruffec, la Rochefoucauld, Montbron, Angoulême et Nanteuil-en-Vallée. Ces niveaux alternent entre calcaires récifaux (bio constructions localisées), calcaires à silex et calcaires grenus et oolithiques plus ou moins fossilifères : ces niveaux renferment les restes de nombreux gastéropodes, bivalves, et céphalopodes assez diversifiés à l’échelle de la série, ainsi que plus rarement quelques échinodermes. Ainsi, l’Aalénien-Bajocien, peu présent à l’affleurement, présente en général des calcaires à cachet récifal déposés en milieu peu profond et agité. L’épaisseur maximale de cet ensemble n’excède pas 100 m d’épaisseur. Le Bathonien est plutôt bien représenté en Charente et particulièrement sur la plate-forme de l’Angoumois qui présente des calcaires grenus et oolithiques, témoins d’environnements agités et peu profonds. Le Callovien enfin, dont des portions sont visibles au sud de la région d’Angoulême, se caractérise par un ensemble de calcaires à silex, parfois oolithiques.

 

Paléogéographie des Charentes au Jurassique moyen.

Le monde au Jurassique moyen. Copyright Ron Blakey

Durant le Dogger la dérive des continents se poursuit et de nouvelles masses continentales commencent à s’individualiser : un océan naissant, l’Atlantique nord, sépare désormais l’Amérique du Nord de l’Europe qui reste submergée par une mer peu profonde se prolongeant jusqu’au pôle Nord. L’Europe ressemble alors à un immense archipel où seuls les massifs anciens constituent des terres émergées. Dans le même temps, le Gondwana connait lui aussi de profonds changements : celui-ci commence à se scinder en trois ensembles qui préfigurent l’Afrique, l’Australie et le sous-continent indien.

 

En Europe occidentale, au début du Dogger, le milieu marin décrit généralement des environnements peu profonds permettant l’installation de hauts-fonds parfois récifaux, richement pourvus en faunes. Puis, l’Europe va connaître des séquences régressives (Mégaséquence J2 et première partie de la mégaséquence J3), durant le Pliensbachien et le Bathonien, menant à l’émersion temporaire d’une partie des hauts-fonds. Au Dogger supérieur, durant le Bathonien supérieur et le Callovien, une nouvelle phase transgressive s’amorce, définissant des milieux ouverts de plus en plus profonds à céphalopodes et grands vertébrés marins. Durant le Callovien, les faunes d’ammonites se renouvellent de façon importante et l’on observe en Charentes la diversification de certains genres et la succession de nombreuses lignées. Cette richesse est particulièrement observable dans la région de Ruffec et dans les carrières de Barro.

Le Jurassique supérieur (Malm).


La fin de la période, appelée Jurassique supérieur ou Malm (-163.5 à -145 Ma) est particulièrement bien représentée en Charentes. Le Malm comprend trois époques, l’Oxfordien, le Kimméridgien et le Tithonien. Cette série sédimentaire est très accessible en Charentes grâce à de nombreux affleurements littoraux et des carrières ou zones d’exploitations agricoles. La série débute par l’Oxfordien qui s’étend de la forêt de la Braconne à la région de Villefagnan en Charente ; et de la région de Villedoux-Charron jusque sur l’île de Ré (Loix) en Charente-Maritime. Dans son ensemble cette série se caractérise par une prédominance de faciès argilo-marneux. A partir de l’Oxfordien moyen toutefois, ces dépôts sont localement entrecoupés par des faciès récifaux lenticulaires : l’estran de Loix en particulier est riche d’une faune marine périrécifale (brachiopodes, échinodermes…) caractéristique.

 

Au kimméridgien ensuite, cette tendance récifale perdure durant le sous-étage inférieur, en raison de conditions environnementales favorables (faible eustatisme), avant le retour d’une sédimentation fine et abondante (environnements profonds). Trois ensembles sédimentaires se succèdent durant le Kimméridgien charentais : à la base, un puissant ensemble carbonaté (Kimméridgien inférieur), puis un puissant ensemble argilo-marneux (Kimméridgien supérieur), et enfin un ensemble marneux et récifal (au Kimméridgien terminal). Le Kimméridgien constitue une série sédimentaire de plus de 300 m d’épaisseur en Charentes. Celui-ci occupe une grande partie de l’Angoumois (jusqu’à la vallée de l’Échelle à l’ouest et jusqu’au sud d’Angoulême) en Charente ; ainsi que l’essentiel du nord (depuis Yves au sud, jusqu’à Marans au nord) et de l’est (région de Muron-Surgères) de la Charente-Maritime. Le littoral charentais présente en particulier de très beaux affleurements littoraux qui permettent de suivre en partie la stratigraphie de l’ensemble du Kimméridgien. De manière générale, ce niveau géologique est d’une étonnante richesse en restes fossiles (échinodermes, vertébrés marins, ammonites et mollusques divers), remarquablement bien conservés. On citera par exemple les falaises d’Angoulins, des Chirats et d’Yves ou encore l’estran de Chatelaillon-plage et son ancienne falaise qui représentent des gisements d’une étonnante richesse et d’une grande diversité.

 

Le Malm se termine par un dernier ensemble géologique dénommé Tithonien (anciennement Portlandien). Celui-ci est accessible en Charente dans un vaste espace triangulaire délimité par les villes d’Angoulême, Rouillac et Cognac. Il est en revanche moins représenté en Charente-Maritime où il n’est accessible qu’aux alentours de Saint-Jean d’Angély et à la Pointe de Chassiron sur l’île d’Oléron. Le niveau se compose à sa base de calcaires argileux à grain fin, témoins de conditions marines franches. Au-dessus, on trouve un ensemble de calcaires blancs en plaquettes. Enfin, ce sont des calcaires argileux et des argiles noires à intercalations de gypse, témoins de faciès évaporitiques (dégradation progressive des conditions marines). Ces niveaux sont particulièrement riches en fossiles divers : mollusques, ammonites, échinodermes, restes de vertébrés marins et continentaux...

 

Paléogéographie des Charentes au Jurassique supérieur.

Le monde au Jurassique supérieur. Copyright : Ron Blakey

Durant le Malm le mouvement d’individualisation des nouvelles masses continentales se poursuit : la Mer Boréale poursuit son expansion, à mesure que l’Amérique du nord se sépare de l’Eurasie. Dans le même temps, le Gondwana poursuit son processus de dislocation avec notamment la progressive séparation du continent Antarctique. L’océan Atlantique nord, enchâssé entre l’Amérique du Nord et le Gondwana reste relativement étroit (situation qui perdure jusqu’au Crétacé) mais poursuit lui aussi son expansion.

 

A cette époque lointaine, l’Europe occidentale constitue toujours un immense archipel où seuls les massifs anciens constituent des terres émergées. Celle-ci se trouve désormais au carrefour de trois étendues marines épicontinentales : l’Antlantique nord à l’ouest, la mer Boréale au nord et la Téthys à l’est. (Cette dernière conserve encore une forte influence sur la biodiversité marine). Au même titre que le reste de l’Europe occidentale, la France est d’abord recouverte d’une importante tranche d’eau (Mégaséquence J3) mais cette situation est de courte durée puisque le recul de la mer intervient dès l’Oxfordien moyen. Ces conditions régressives entrainent la création et la généralisation d’environnements coralliens, installés sur un haut-fond subsident (Mégaséquences J3 et J4). (Ces caractéristiques environnementales vont perdurer de façon plus ou moins constante jusqu’au Kimméridgien supérieur).

 

Le début du Kimméridgien inférieur ensuite, est marqué par une tendance à l’approfondissement des milieux de dépôts consécutive à un mouvement transgressif, mais celui-ci semble de courte durée. Peu à peu au cours de ce sous-étage inférieur, la tendance s’inverse avec le retour à des hauts-fonds parfois récifaux. La fin du Kimméridgien inférieur est finalement marquée par le retour d’une transgression marine avec la généralisation de faciès virguliens (marnes à Nanogyra) sur tout le nord du Bassin aquitain. Cet épisode plus franchement marin perdure jusqu’à la fin du Kimméridgien supérieur, provocant le retour d’environnements marins francs à ammonites et grands vertébrés.

 

A la fin de la période, durant le Tithonien, la sédimentation indique finalement un fort mouvement régressif qui aboutit à la création de dépôts évaporitiques, décrivant des milieux lagunaires à gypse (précipitation importante de sels). C’est la raison pour laquelle le matériel issu du Tithonien charentais permet la mise au jour de restes fossiles tant marins que continentaux : échinodermes, vertébrés marins, ammonites mais également restes de grands vertébrés continentaux, de tortues d’organismes euryhalins… Cette situation conduit enfin à l’exondation fini-jurassique du Bassin aquitain.

Orientations bibliographiques.


- Stratotype Hettangien, collection Patrimoine géologique, publications scientifiques du MNHN, Biotope éd. Hanzo Micheline (coordinatrice), 2012.


- Fossiles de la préhistoire charentaise, Le Croît vif, Mazan, Néraudeau Didier et Vullo Romain, 2013.


- Géologie de la Charente, ed. du Germa, Tournepiche Jean-François, 1998.

 
- Les ammonites kimmeridgiennes du haut-fond d'europe occidentale : (perisphinctidae, aulacostephanidae et aspidoceratidae) : biochronologie, systématique, évolution, paléobiogéographie, Hantzpergue P., thèse de doctorat d’état, université de Poitiers, n°447, 568p., 1989.


- Notices géologiques des cartes du BRGM : 0609N, 0658N, 0683N, 0684N, 0685N, 0706N, 0707N, 0708N, 0709N, 0731N.

 

- Guides géologiques régionaux, Poitou, Vendée, Charentes, ed. Masson, Gabilly Jean, Cariou Elie et alii, 1997.

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