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Le gisement paléontologique de la Pointe de Chassiron (île d'Oléron, Charente-Maritime 17)

Par Aurélien Morhain
Ci-dessus : Vue aérienne de la pointe de Chassiron, copyright F.Carlier

En 2011, la presse locale (journal Sud-Ouest) publiait un court article sur des découvertes paléontologiques faites lors d’une campagne de fouilles, qui s’est tenue du 01 au 04 août de cette même année  sur l’île d’Oléron. (L’article du Sud-ouest est disponible ici : Sud-ouest). Ayant participé à cette dernière, nous nous devions donc de publier ici quelques informations à ce sujet et plus généralement, sur le Jurassique supérieur de l’ile d’Oléron, qui est depuis longtemps connu pour son intérêt paléontologique. 

Ci-dessus : carte de localisation de la Pointe de Chassiron sur l'île d'Oléron en Charente-Maritime.

Le Jurassique supérieur de l'île d'Oléron.

Les niveaux observables appartenant au Jurassique supérieur se localisent à l’extrême nord de ce territoire insulaire : ceux-ci sont accessible sur la côte depuis la Pointe de Chassiron au nord à l’anse des Seulières au sud, (falaises et estrans). Relevons également la présence de ces niveaux sur l’île, depuis le village de Chassiron au nord, jusqu’à celui de la Bétaudière au sud, ainsi que sur le rocher d’Antioche au large de la pointe de Chassiron.  les formations s’étagent du Kimméridgien supérieur terminal (biozone à Autissiodorensis ; sous-zone à Irius) au Tithonien supérieur (biozone à Gigas ; sous-zones à Gigas et Gravesiana), (Hantzpergue, 1989), mais restent difficiles à suivre en raison de nombreuses failles et plis.

 

Le Kimméridgien supérieur (biozone à Autissiodorensis) : il est observable à la fois en estran et en falaise et s’étage de la discontinuité D11 à la discontuité D12, (Hantzpergue 1989). La partie inférieure du niveau, (sous-zone à Autissiodorensis), n’est pas accessible sur l’île. La partie supérieure du niveau (sous-zone à Irius), se caractérise par des bancs de calcaires argileux plaquetés et de minces bancs de calcaires fins, bioclastiques.  Plus généralement, l’ensemble de ces niveaux décrit des faciès virguliens.

Ci-dessus : vue d'ensemble de l'estran de la Pointe de Chassiron, sur l'île d'Oléron en Charente-Maritime.

Le Tithonien  (biozone à Gigas) : il est lui aussi observable à la fois en estran et en falaise et débute à partir de la discontinuité D12. Dans sa partie inférieure (sous-zone à Gigas), il débute par un poudingue à ciment argileux vert à gros galets de calcaire lithographique et galets noirs très durs. Il se caractérise ensuite par une succession de bancs décimétriques et massifs de calcaires fins, parfois sublithographiques, puis s’achève par des calcaires sublithographiques surmontés par une surface plane oxydée encroûtée par des Nanogyra. Dans sa partie supérieure (sous-zone à Gravesiana), il se caractérise par des calcaires micritiques ou finement grenus, bioclastiques, puis par des bancs décimétriques de calcaires fins. La complexité de l’agencement des couches dans cette partie de l’île d’Oléron ne permet pas cependant de suivre le Tithonien dans son intégralité ; des lacunes existent.

 

Pour plus de détails sur la série du Jurassique oléronnais, se reporter aux travaux de Bousquet, 1967 et de Schnyder, 2003.

Éléments paléogéographiques.

Ci-dessus : carte de l'Europe occidentale au Tithonien. D'apès J. DERCOURT, 1998

La série stratigraphique du Jurassique supérieur observable dans l’île d’Oléron (mégaséquence JIVb), met en évidence de profonds changements successifs du milieu marin, (grandes variations de faciès) :


- la fin du Kimméridgien supérieur (biozone à Autissiodorensis), est marquée par un approfondissment des milieux de dépôts. Il s’agit d’une plateforme ouverte carbonatée subtidale, de salinité normale, (Billon-Bruyat, 2003).

- Puis, au début du Tithonien inférieur, l’influence marine diminue considérablement (disparition des faunes de céphalopodes) pour aboutir à une phase d’émersion provisoire, à la fin du sous-étage.

- Au Tithonien moyen puis supérieur, les données sédimentaires mettent en évidence l’existence d’influences continentales. Le milieu de dépôt devait donc correspondre à une zone intertidale, (lagunaire, estuairienne ou deltaïque), soumise à la fois à l’action  des marées, des tempêtes et des fortes décharges continentales, (Vullo, 2001).

Historique des travaux paléontologiques sur le Jurassique de l'île d'Oléron.

Les niveaux jurassiques oléronnais sont connus de longue date pour leur intérêt paléontologique : la première étude géologique remonte à 1850 dans une « note sur les dépots de gypse des départements de la Charente et de la Charente-Maritime », par M.Manes. La même année, A.D’orbigny aborde ces terrains dans son "Prodrome de paléontologie stratigraphique."


Ensuite, ce n’est qu’en 1964 que ces niveaux vont faire l’objet d’une étude, avec la découverte d’une empreinte de tétrapode, mise au jour lors d’une excursion géologique, (Lapparent et Oulmi, 1964). Dans les mêmes années ont été découverts des restes de chélonien (crâne et restes post-craniens de Thalassemys moseri), (Ziegler et Rieppel, 1980).

Ci-dessus : restes de crocodilien découverts à la Pointe de Chassiron, sur l'île d'Oléron en Charente-Maritime lors de la campagne de fouilles 2011.

Puis des restes de crocodilien, découverts dans le Tithonien inférieur par D.Abit, sont mentionnés dans un guide géologique, (Baudin et al.) en 1996. Mentionnons également le mémoire de Master de R.Vullo de 2001, qui étudie le faciès purbéckien dans  le Tithonien oléronnais. Il convient également de  citer la thèse de J-P. Billon-Bruyat,  réalisée en 2003, intitulée « les écosystèmes margino-littoraux du Jurassique terminal et du Crétacé basal d’Europe occidentale : biodiversité, biogéochimie et l’événement biotique de la limite Jurassique/Crétacé », qui mentionne notamment la découverte d’un squelette incomplet, partiellement articulé, de Plesiochelyidae indéterminé, (découverte D.Abit). Ajoutons pour finir, l’étude sur les charophytes du Jurassique supérieur de l’île d’Oléron, publiée en 2008, (C. Martin-Closas, JP. Colin, JP. Billon-Bruyat, A. El-Albani, JM. Mazin et J.Schnyder).

La campagne de fouilles 2011 et ses implications futures.

Ci-dessus : dégagement d'une zone de travail sur l'estran de la Pointe de Chassiron, sur l'île d'Oléron en Charente-Maritime, lors de la campagne de fouilles 2011.

Du 01 au 04 août 2011, un groupe de paléontologues amateurs et professionnel a mené des fouilles durant quatre jours en différents endroits de la côte oléronnaise permettant l’accès aux niveaux tithoniens. Cette campagne a été organisée et dirigée par D.Abit, coordinateur des fouilles et sous l’égide de D.Néraudeau (CNRS, Université Rennes 1), qui s’est rendu sur place à plusieurs reprises pour suivre l’avancée des fouilles et effectuer des relevés.

 

Notons qu’Il s’agit d’une des rares campagnes de fouilles de ce type en France, puisque celle-ci a été montée par des bénévoles non professionnels. Ce n’est qu’après de longues démarches, entreprises à la fois auprès de paléontologues reconnus et auprès de différentes instances de l’état (CDC de l’île d’Oléron / Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) /  Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal)), que ce projet a finalement pu voir le jour. Nous tenons d’ailleurs à féliciter D.Abit, à l’origine de ce projet, pour sa détermination et son implication passionnée. Sans lui, cette entreprise n’aurait pu voir le jour.

Ci-dessus : D.Néraudeau et R.Bourgeais photographiant un os de sauropode ; Photographie, A.Morhain.

Le but de cette campagne était de déterminer avec précision la provenance, l’organisation et la nature des différents restes fossiles présents dans ces niveaux tithoniens et d’assurer la préservation de ce patrimoine naturel et géologique d’intérêt. Les restes fossiles découverts ont été confiés pour étude à différents spécialistes parmi lesquels : E.Buffetaut, B. Gomez, D.Néraudeau, J.M.Mazin, J. Pouech, J.Schnyder, R. Vullo….. Cependant de nombreux spécimen sont encore en cours de dégagement ou restent à trier.

 

C’est sur des zones d’estran que notre équipe de fouilles a mené son action. Il va sans dire que cette particularité n’a pas facilité notre travail : nous étions soumis au bon vouloir du mécanisme des marées, qui ne laissaient que peu de temps à la fouille proprement dite. Chaque jour, il fallait acheminer un stock conséquent de matériel en tout genre depuis le haut des falaises jusque sur l’estran. Ensuite, il fallait baliser les zones de prélèvements (afin que les pêcheurs  à pieds ne viennent pas perturber le déroulement du chantier) et les préparer, car chaque marée haute avait pour conséquence de les remblayer naturellement. Et bien sûr, lors de la montée des eaux, nous devions tout démonter et regagner au plus vite le rivage avec le matériel de fouille et les restes fossiles mis au jour dans la journée. Toutes ces contraintes ne permettaient donc au final que 5 heures de fouille par jour. Malgré tout, ce chantier a permis de réaliser de nombreuses découvertes, parfois inattendues.

Des restes de dinosaures herbivores et carnivores aux côtés de restes d'animaux aquatiques.

Comme nous le rappelons plus haut, l’aire géographique étudiée devait, au Tithonien inférieur et supérieur, correspondre à un envoironnement littoral, (zone estuairienne ou deltaïque). C’est la raison pour laquelle nous avons pu découvrir des restes fossiles à la fois d’origine marine et continentale. Cette première campagne de fouilles a déjà permis de mettre au jour plusieurs centaines d’ossements. Ces derniers appartiennent à 4 espèces de dinosaures (carnivores et herbivores), associés à des restes de 3 types de tortues, de 5 espèces de crocodiles et de 6 espèces de poissons.

 

Cependant, ces macro-restes ne représentent qu’un faible pourcentage de nos découvertes. Dans leur grande majorité, ces fossiles sont beaucoup plus petits, ils mesurent parfois moins d’un millimètre. Ces micros-restes sont pourtant tout aussi intéressant puisqu’ils devraient permettre au groupe de chercheurs, de reconstituer l’environnement dans lequel vivaient les différents animaux : des bois fossilisés, des feuilles, des graines et même de l’ambre ont été retrouvés par tamisage d’une grande quantité de sédiments – un travail effectué fin août, par l’équipe de J.M.Mazin et de J. Pouech, sur le gisement d’Angeac-Charente.

Ces résultats seront à mettre en perspective avec ceux des gisements de Cherves-Chamblanc et d’Angaec-Charente qui partagent de nombreux points communs avec celui du nord-ouest de l’île d’Oléron.

 

Remerciements : nous remercions D.Abit et R.Bourgeais pour nous avoir permis de participer à cette campagne de fouilles. Nous remercions également D.Abit et R.Vullo, pour nous avoir permis la réalisation de cet article. Enfin, nous remercions D.Néraudeau pour son implication et son aide professionnelle lors de ce chantier.

Pour aller plus loin.

Le site-web de l'association Dinoleron.

créée à la suite des fouilles entreprises sur l'estran de la Pointe de Chassiron, cette association a pour but d'assurer le prélèvement, l'étude et la sauvegarde du patrimoine géologique de l'île d'Oléron. Pour visiter ce site web : Cliquez ici

L'ouvrage "Biodiversité-Chassiron, la face cachée de l'estran".

Celui-ci vous fera découvrir les organsimes marins qui peuplent aujourd'hui l'estran de la Pointe de Chassiron, sur l'île d'Oléron. Ouvrage réalisé par Thierry Guyot, ingénieur au laboratoire LIENSs de l'université de La Rochelle. Edité par la Société des Sciences Naturelles de la Charente-Maritime. Pour plus de renseignements, rendez-vous dans notre bibliothèque : cliquez ici

Bibliographie.

- Billon-Bruyat, J.-P., Les écosystèmes margino-littoraux du Jurassique terminal et du Crétacé basal d’Europe occidentale: biodiversité, biogéochimie et l’événement biotique de la limite Jurassique/Crétacé. PhD thesis, Univ. Poitiers, France. 2003

 

- Bousquet, P., Contribution à l’étude stratigraphique et micropaléontologique du Jurassique et du Crétacé de l’île d’Oléron (Charente-Maritime). PHD dissertation, Paris University, 180 pp. 1967


- Carles Martín-Closas, Jean-Paul Colin, Jean-Paul Billon-Bruyat, Abder El-Albani, Jean-Michel Mazin, Schnyder, J. Palaeobiogeography of the genus Latochara (fossil Charophyta) in the Upper Jurassic of Southern Europe. New data from Oléron Island (France). Geologia Croatica, 61/2–3, p 177–184 ,3 Figs. 2008

 

- De Lapparent, A., Oulmi, M. Une empreinte de pas de dinosaurien dans le Portlandien de l’Ile d’Oléron. C.R.somm. Soc. Géol. France, 6, p. 232-233. 1964

 

- Hantzpergue P., Les ammonites kimméridgiennes du haut-fond dʼEurope occidentale. Biochronologie, systématique, évolution, paléobiogéographie. Cahiers de Paléontologie, C.N.R.S., Paris : 428 p. 1989


- M. Manès. Note sur les depots de gypse des departements de la charente et de la charente-inferieure. Bulletin de la société geologique de France, 2e ser., t. VII, p. 608, 609 et 612. 1850

 

- Rieppel, O. The skull of the Upper Jurassic cryptodire turtle Thalassemys, with a reconsideration of the chelonian braincase. Palaeontogr. Abt. A 171, 105– 140. 1980

 

- Schnyder, J., Le passage Jurassique/Crétacé: Evénements instantanés, variations  climatiques enregistrées dans les faciès purbeckiens français (Boulonnais, Charentes) et  anglais (Dorset). Comparaison avec le domaine téthysien. PhD, Lille1 University, France, 389 pp. 2003

 

- Vullo R., Etude d'un niveau de type "bone-bed" dans le Tithonien (Faciès Purbeckien) de Chassiron (Ile d'Oléron, Charente-Maritimen, France). Mémoire de Maîtrise, 2001

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