Redécouverte d'un squelette sub-complet de ptérodactyle dans les réserves du Muséum de La Rochelle.
Nous nous proposons ici non pas de vous faire part d’une découverte mais plutôt d’une redécouverte, faite par les conservateurs du Muséum d’Histoire Naturelle de La Rochelle. Il s’agit d’un spécimen fossile de Ptérodactyle sub-complet, provenant du gisement jurassique mondialement connu de Solnhofen en Allemagne, (Bavière). Un article de 2012, publié dans les Annales de Paléontologie, fait le point sur la redécouverte de ce spécimen fossile important et tente de comprendre comment celui-ci a pu progressivement tomber dans l’oubli des réserves du Muséum d'histoire naturelle de La Rochelle.
Le présent article sera ausi l'occasion pour nous de faire le point sur les restes de ptérosaures connus dans le Jurassique supérieur charentais. Une bonne occasion de mettre en lumière le carctère exceptionnel de ce genre de découverte à l'échelle française.
Un Pterodactyle de Solnhofen à La Rochelle!
Durant de nombreux mois, la salle de paléontologie et de géologie du Muséum d’Histoire Naturelle de La Rochelle est restée fermée au public dans le but de la réaménager : les derniers travaux de restauration entrepris ces dernières années, avaient abouti à l’élaboration d’une exposition permanente d’échantillons fossiles males éclairés et peu nombreux, dans le sous-sol voûté du muséum. En 2012, un petit groupe de spécialistes a donc décidé de fermer cette salle, de la réorganiser et de procéder à un inventaire exhaustif des collections de paléontologie de cette institution. Un chantier de longue alène qui s’est achevé en 2014 et qui permet de découvrir à nouveau cette salle dont la qualité de présentation et le nombre d’échantillons fossiles ont beaucoup progressé.
C’est lors de l’inventaire des collections que fut redécouvert le fossile que nous allons vous présenter. Il s’agit d’un squelette sub-complet appartenant au genre Pterodactylus (Cuvier 1809), provenant du Konservat-Lagerstätten du Jurassique supérieur de Solnhofen en Allemagne. La découverte est d’importance puisque les fossiles de ptérosaures mis au jour à Solnhofen sont très rares, (une trentaine de spécimens sont connus) et très peu de fossiles authentiques peuvent être observés dans les différents musées et muséums de France.
Description du spécimen fossile.
Le spécimen, long d’une dizaine de centimètres (taille inhabituellement grande pour ce genre), présentant sa face latérale gauche, est partiellement conservé sur une dalle de calcaire lithographique, en position opisthotonique. Plusieurs partie du squelette sont manquantes, telles que : certaines sections du bec et des dents, des os de la boîte crânienne ou encore des portions d’os des ailes et des pates. Cependant l’étude de ces lacunes anatomiques est rendue possible grâce aux empreintes très nettes que les os ont laissées dans le calcaire. Les spécialistes qui ont examiné le fossile ont également reconnu une anomalie dans l’anatomie de ce ptérodactyle : l’un des tibias de l’animal présente une courbure inhabituelle en son milieu, qui laisse supposer une consolidation de cet os consécutive à une blessure ou une fracture. Impossible malheureusement de déterminer l'origine de cette fracture consolidée avec laquelle cet individu a dû vivre le reste de sa vie. "Bataille" aérienne ? Atterissage mouvementé ? Attaque au sol ? Une enquête impossible à résoudre!
Note : « la posture opisthotonique est le résultat des derniers moments de “l'agonie” d’un organisme précédent sa mort. La littérature clinique a reconnu depuis longtemps que des individus manifestant cette posture ont péri par diverses causes dont : l'asphyxie, un manque de nourriture ou de nutriments essentiels, des toxines environnementales ou les infections virales. Accepter les causes réelles de la posture opisthotonique comme perimortem et non pas post-mortem permet de mieux comprendre les causes de la mort des spécimens fossilisés et force également la révision de l'interprétation des conditions paléoenvironnementales de nombreux gisements fossiles. » Kevin Padian et Cynthia Marshall Faux.
Pour l’heure, l’espèce à laquelle appartient ce spécimen n’a pas encore été déterminée avec certitude : il pourrait s’agir de Pterodactylus antiquus ou Pterodactylus Kochii, si l’on en croit Vullo R., Heil J-F. et Durand M, les auteurs de l’article.
Histoire d'une redécouverte!
Ce spécimen fossile, qui ne portait pas (ou plus) d’étiquette lors de sa redécouverte, semble avoir été acquis durant la seconde moitié du XIXe siècle par le Muséum de La Rochelle auprès d’un marchand de fossiles. Afin de déterminer la provenance de ce spécimen, les auteurs ont dû accomplir un gros travail de recherches dans les archives de la Société des Sciences Naturelles de Charente-Maritime. Selon ces dernières, ce ptérodactyle aurait été acheté à monsieur Félix Pisani (1831-1920), un chimiste et minéralogiste français, reconverti dans la vente de fossiles et minéraux dans les années 1870. Ce fossile est mentionné pour la première fois en 1885, par Paul Cassagneaud, conservateur des collections du Muséum de La Rochelle entre 1831 et 1895 et instigateur de la salle de géologie et de paléontologie du muséum en 1872.
Cependant on ne retrouve aucune trace de celui-ci avant cette date et aucune information ne subsiste de son achat. De plus, rien ne prouve que le ptérodactyle que mentionne Cassagneaud soit celui qui nous intéresse présentement ; nous ne pouvons que fortement le supposer. Les archives révèlent aussi que ce spécimen a été retiré des collections permanentes du muséum au début du siècle dernier et qu’à partir de cet instant il n’a plus été mentionné comme faisant partie des collections en réserve, ce qui provoqua son progressif oubli. Celui-ci ne fut mentionné de nouveau qu’en 1994, grâce au travail d'inventaire mené par Michèle Dunand, lors du début du grand chantier de restauration du Muséum.
Au final, ce ptérodactyle fossile a donc regagner une place de choix au sein des collections permanentes du Muséum d’Histoire Naturelle de La Rochelle, pour le plus grand plaisir des passionnés et professionnels de paléontologie. Le Muséum de La Rochelle peut ainsi se targuer de présenter au public l’un des rares fossiles authentique de ptérosaure jurassique fossile, provenant du fameux gisement allemand de Solnhofen et l'un des deux seuls connus dans les collections françaises.
Des restes de ptérosaures dans les Charentes!
Si le gisement allemand de Solnhofen est unanimement considéré par la communauté scientifique comme l'un des plus exceptionnels gisements ayant livré des restes de ptérosaures en Europe, la France n'a cependant pas à rougir. En effet, l'hexagone compte aujourd'hui plusieurs gisements qui ont eux aussi livré des restes et/ou traces plus ou moins complets de ces reptiles volants. On pourrait bien sûr citer le gisement de Crayssac (dans le Lot) où l'on a découvert des pistes d'empreintes laissées sur une plage par ces animaux ailés et qui on permis d'élucider la question du déplacement au sol de ces curieux reptiles ! Mais plus proches et plus local sont les restes de ptérosaures découverts au début des années 2000 sur différents gisements charentais!
Alors bien sûr il s'agit là de restes très fragmentaires puisque seuls des dents et des fragments d'os ont pu être découverts sur ces gisements locaux. Mais ceux-ci n'en restent pas moins très importants puisqu'ils permettent d'attester la présence de ce type d'animaux dans le centre-ouest de la France depuis le Kimméridgien inférieur (Jurassique supérieur) jusqu'au Cénomanien (Crétacé).
Inventaire du matériel découvert.
Légendes : K1 et K2, dents de ptérosaures du Kimméridgien inférieur de Charente-Maritime : K1 = spécimen provenant de la Pointe du Chay (Angoulins) ; K2 = spécimen provenant de Chatelaillon-plage. T1, T2, T3, T4 = os et dents de ptérosaure du Tithonien de Chassiron, île d'Oléron. C1, C2, C3, C4, C5, C6 = dent et os de ptérosaure du Berriasien de Cherves de Cognac.
Les restes de ptérosaures découverts en Charentes sont issus de plusieurs gisements d'âges très différents. Les restes les plus anciens proviennent de gisements kimméridgiens situés sur la côte aunisienne.
Il s’agit plus précisément de deux dents à La morphologie relativement similaire : dents effilées, comprimées et profilées, recourbées vers l’arrière avec arrête tranchante sur l’intérieur. Leur morphologie particulière permet donc de les classer dans le groupe des reptiles volants. Mieux, si l’on en croit R.Vullo, ces dents appartenaient vraisemblablement à deux individus de la même espèce.
Ces deux dents sont issues de deux localités géographiquement voisines : la première est issue des calcaires coralliens de la Pointe du Chay, (biozone à Cymodoce ; sous-zone à Achilles), sur la commune d’Angoulins/mer ; la seconde est issue des marnes et argiles, lors de travaux sur la commune de Châtelaillon-plage, (biozone à Cymodoce ; sous-zone à Chatelaillonensis). Ces dents ont donc approximativement 143 millions d’années, mais il est intéressant de noter qu’un intervalle de temps important sépare ces deux restes, suggérant que l’espèce à laquelle ils appartenaient a vécu durant une bonne partie de la seconde moitié du Kimméridgien inférieur en Aunis! Ces dents sontituent les plus anciens restes de ptérosaures découverts dans les Charentes.
D'autres restes ont été recensés dans le Jurassique supérieur des Charentes. Des fragments d'os caractéristiques - de section ovale, fine et creuse - et des dents ont été découverts en 2011 dans le Tithonien de Chassiron (135 millions d'années) sur l'île d'Oléron lors de fouilles paléontologiques organisées par l'association Dinoléron, sous la direction du paléontologue D. Néraudeau (Univ. Rennes 1, Géosciences, UMR6118). Le Crétacé n'est pas en reste puisque des restes similaires ont été mis au jour dans le Berriasien (132 millions d'années) du gisement de Cherves de Cognac (dents et os) (16) et dans le Cénomanien des deux Charentes (93 millions d'années) - sur les gisements de Fouras (17), Font-de-Benon (Archingeay (17)), les Renardières (17) et l'Amas (16). Nous vous proposons quelques figurés de ces découvertes dans l'album-photos ci-dessus.
Références bibliographiques.
- R. Vullo, J.-F. Heil, M. Dunand : Sur un spécimen de Pterodactylus du XIXe siècle conservé au Muséum d’Histoire naturelle de La Rochelle,France. Annales de Paléontologie, 98, 2012, pp.63-69.
- R. Vullo, Two isolated teeth of pterosaurs from the upper Jurassic (Lower Kimmeridgian) of La Rochelle (Charente-Maritime, Western France) ; Strat, p96-98, vol.11, 2001.
Article en relation.
Consultez ci-après notre article consacré au gisement paléontologique de Chassiron (île d'Oléron) : cliquez ici..