Nous vous proposons aujourd’hui d’aller à la rencontre de Jean-Jacques Nicard, chercheur-collectionneur de Charente-Maritime, passionné d’archéologie et de paléontologie depuis près de 30 ans. Habitant un petit village de l’arrière-pays saintongeais, ce plombier-chauffagiste de profession rassemble depuis plusieurs dizaines d’années maintenant un grand nombre d’organismes fossiles qui l’ont amené à constituer une très belle collection dans un corps de ferme attenant à son domicile : sur près de 60 m², des spécimens fossiles provenant de nombreux gisements de référence sont exposés, invitant le visiteur à découvrir le patrimoine géologique et paléontologique local.
Originaire de Charente-Maritime, Jean-Jacques a vécu toute son enfance dans un petit hameau de la région de Saint-Jean d’Angély (entre Loulay et Migré), secteur géographique qu’il habite encore aujourd’hui. Jean-Jacques est avant tout un homme de terrain qui s’est beaucoup investi dans sa passion et en tout premier lieu pour l’archéologie qu’il découvre fortuitement à l’âge de 14 ans. C’est par l’intermédiaire d’un ami de son père, passionné par cette science, que Jean-Jacques commence à s’intéresser aux sols et à ce qu’ils renferment. Participant à des fouilles officielles, Jean-Jacques et son père découvrent, aux côté de cet homme, silex et os façonnés, derniers témoins de l'occupation humaine locale à la Préhistoire. Cette première expérience fut pour Jean-Jacques l’origine d’une passion qui ne s’est jamais essoufflée depuis. Lors de ces premiers chantiuers archéologiques, le jeune Jean-Jacques découvre également ses premiers fossiles. Peu à peu, il se documente, acquiert les rudiments du dégagement et se passionne plus particulièrement pour ces curiosités, vestiges d’écosystèmes disparus.
Son adolescence est notamment marquée par le creusement et l’installation d’une fosse sceptique dans le jardin familial. Ce banal chantier est alors l’occasion pour Jean-Jacques de découvrir la composition géologique et paléontologique du sol qu’il foule depuis sa petite enfance. Il passe ainsi plusieurs jours à fouiller minutieusement les remblais de l’excavation. Il s’agit des niveaux coralliens du Kimméridigien inférieur local dans lesquels il met au jour de nombreux restes fossiles classiques de la région : coraux, éponges, tests et radioles d’échinidés… Cet épisode marquant le pousse rapidement à abandonner l'archéologie et à se mettre en quête de nouveaux gisements paléontologiques : il prospecte alors la grande campagne charentaise (alentours de Saint-Jean d’Angély) avant de regagner la frange côtière et ses grandes portions de falaises riches en matériel fossile. Avec son père il fréquente d’abord la Pointe du Chay et le secteur d’Angoulins sur mer, puis les falaises d’Yves, ainsi que les îles de la côte (le Cénomanien de l’île Madame et de l’île d’Aix, le Kimméridgien et le Tithonien des îles de Ré et d’Oléron). Chaque hiver, au lendemain de grandes tempêtes, père et fils arpentent les rivages en quête de découvertes paléontologiques.
Après une interruption de cette passion pendant plusieurs années, en raison de son service militaire et de son apprentissage au métier de la plomberie-chauffagerie, Jean-Jacques revient au monde de la paléontologie en faisant la connaissance des membres de l’association paléontologique de Pons, à laquelle il adhère durant plusieurs années. Celle-ci lui permet de faire de nouvelles rencontres, de fréquenter les bourses d’échanges-vente et d’aller à la découverte de nouveaux gisements locaux, desquels il ramène toujours plus de fossiles. Quelques années plus tard, il quitte l’association paléontologique de Pons pour intégrer celle de La Rochelle dans laquelle il se lit d’amitié avec d’autres passionnés parmi lesquels L. Rigollet, J.C. Videau, A. Morhain, R. Vullo, A. Billaud, J.P. Archambeau, M. Pétreau...
Le milieu associatif lui permet d’accéder à des gisements très intéressants, pour lesquels des autorisations sont nécessaires, tels que les travaux de l’autoroute A10 ou de nombreuses carrières du grand-ouest (dont la plupart sont aujourd’hui fermées), telles que Pamproux, Limalonges, Buffevent… Autant de lieux de ramassage qui lui ont permis de constituer la collection que nous connaissons aujourd’hui – une collection dont il ouvre volontiers les portes aux passionnés et universitaires de passage. « La paléontologie est une science et les fossiles en sont ses objets d’étude ; ils doivent donc rester accessibles et contribuer à l’avancée de la connaissance des écosystèmes anciens ; à quoi bon les ranger dans des boites, les cacher ! Je veux montrer au plus grand nombre ces merveilles de la Terre ! » (JJ. Nicard).
La collection de Jean-Jacques est présentée dans un corps de ferme entièrement restauré. La totalité des murs de l’unique et grande pièce d’exposition sont couverts de vitrines en verre présentant la quasi-totalité de sa collection de fossiles. Cette collection est classée par gisement afin d’en faciliter la compréhension. La plupart des fossiles exposés ont été collectés par notre hôte, puis méticuleusement dégagés et préparés. Le dégagement de fossiles pour Jean-Jacques est d’ailleurs une véritable passion : afin d’obtenir des spécimens fossiles parfaitement nettoyés, il s’est constitué un véritable atelier de préparation attenant au garage de sa propriété, dans lequel il passe de nombreuses heures à dégager minutieusement chaque spécimen découvert. Micro-sableuse, micro-percuteur, loupe binoculaire, aiguilles et outils divers lui permettent de réaliser un travail de grande précision pour un résultat optimal.
Jean-Jacques est un collectionneur systématique, pour qui tous les fossiles sont des objets d’étude et de curiosité. En quelques décennies, il s’est constitué des échantillons représentatifs de plusieurs gisements locaux, dont les fossiles sont très appréciés des passionnés de paléontologie et ce depuis le XIXe siècle. Nous commencerons notre tour d’horizon par les spécimens fossiles issus des gisements kimméridgiens de la Pointe du Chay et des Chirats sur la commune d’Angoulins sur mer, qu’il affectionne particulièrement. Jean-Jacques possède en particulier une très belle série d’échinodermes fossiles (échinidés, crinoïdes et étoiles de mer) provenant de ces gisements, parmi lesquels certains ont conservé leurs radioles en connexion et parfois même leurs plaques apicales et/ou appareil masticateur. Mais Jean-Jacques possède aussi la faune associée à ces échinodermes, fossiles souvent délaissés par beaucoup de collectionneurs : coraux, huîtres et autres mollusques divers tels que plusieurs harpagodes de très belle conservation par exemple.
Concernant le Kimméridgien local, Jean-Jacques s’est aussi constitué un bel échantillonnage de rares échinodermes provenant du Kimméridgien inférieur terminal. On peut notamment y découvrir de très beaux exemplaires de Rhabdocidaris Orbignyana, de Pygurus blumenbachi et de Gymnocidaris agassizii, issus du gisement côtier de Châtelaillon-plage. Ces espèces sont aujourd’hui très recherchées car leurs lieux de ramassage sont de plus en plus anecdotiques.
Cette collection comporte aussi de très belles ammonites issues de gisements locaux tels que des Renekia anceps du Callovien de la région niortaise (travaux de l’autoroute A10), des Orthaspidoceras de plusieurs espèces, provenant de la falaise d’Yves et des calcaires kimméridgiens de la région de Saint-Jean d’Angély, ou encore des Gauthiericeras margae du Coniacien des carrières de Beurlay et Saint-Porchaire. D’origine plus lointaine sont les quelques ammonites de l’Albien de la région de Troye (Hoplites dentatus et H. benetianus), une Australiceras sp. de l’Aptien d’Australie, ou encore des crustacés tertiaires et crétacés provenant de pays lointains comme la Chine ou encore l'Australie.
Terminons la visite de cette collection par la très belle série de mollusques fossiles tertiaires provenant de France et de Belgique. Jean-Jacques fréquente en effet depuis plus d’une dizaine d’années maintenant, les faluns burdigaliens de la région bordelaise desquels il a pu extraire de nombreux spécimens fossiles parmi lesquels : Melongena cornuta, conus burdigalensis, Panopea menardi, Tudicla rusticula et autres Trigonostoma trochlaere. Une faune très bien conservée et d’une étonnante diversité. A côté de cette série, on peut aussi observer un lot de mollusques fossiles du Pliocène de la région d’Anvers en Belgique. Nous avons pu reconnaître : Scaphela lamberti, Galeodea bicatenata, Panopea sp., Spinucella tetragona, Angulus benedeni…. Au final, cette collection est un véritable tableau représentatif du parcours paléontologique de son propriétaire, depuis la récolte de son premier fossile à l’âge de 14 ans, dans le jardin familial, jusqu’aux mollusques pliocènes issus des plaines du nord de la Belgique. Un beau parcours que nous lui souhaitons encore long et jalonné de découvertes toujours plus passionnantes !
Un grand merci à Jean-Jacques pour son accueil !