Le Crétacé correspond à la dernière subdivision du Mésozoïque (ou ère secondaire). On considère traditionnellement que cette période s’étend sur près de 80 millions d’années (de 145,5 ± 4 à 65,5 ± 0,3 Ma). Durant cette intervalle de temps considérable la vie n’a cessé de se développer, d’évoluer, connaissant des changements profonds et déterminants à l’échelle de l’histoire de la Terre. (Ci-contre : Typocidaris sceptrifera, Campanien de Talmont-sur-Gironde).
Le Crétacé est aujourd’hui reconnu comme une période cruciale dans l’évolution des êtres vivants et dans le processus d’élaboration du monde que nous connaissons de nos jours. En effet, c’est au Crétacé que de nombreux organismes modernes apparaissent ou connaissent leur essor : c’est le cas des oiseaux et des mammifères, des sélaciens (diversification des grands groupes actuels), ou encore des plantes à fleurs. Mais le Crétacé c’est aussi la période qui voit l’âge d’or et la disparition (à la fin de la période) des dinosaures, ces reptiles géants (lézards terribles, comme le suggère l’étymologie de leur nom) qui auront régné en maitres pendant plusieurs millions d’années !
Ce sont les restes de certains de ces organismes disparus que cette rubrique du site vous invite à découvrir dans le menu ci-contre.
Dans les Charentes, de grandes portions du Crétacé sont accessibles que ce soit en falaise le long du littoral ou dans les terres, dans des carrières ou d’anciennes falaises vives.
Le Crétacé inférieur.
Le début de la période, appelée Crétacé inférieur (-145 à -100 Ma) est relativement peu représentée sur le territoire des Charentes. Quatre niveaux géologiques ont été identifiés : Le Berriasien, l’Hauterivien, le Barrémien et l’Albien. Ceux-ci restent cependant difficilement accessibles, les transgressions marines du Crétacé supérieur les ayant érodés ou largement recouverts de sédiments. Ces dernières années toutefois des gisements inédits appartenant à ces niveaux ont été révélés permettant de combler quelques lacunes d’observation : nous citerons ici le fameux gisement d’Angeac-Charente, qui a permis la mise au jour de nombreux restes fossiles d’importance (dinosaures, mammifères, reptiles volants…), celui de Cherves-Chamblanc, qui a livré les restes d’un écosystème estuarien du Berriasien (tortues, crocodiles, dinosaures, poissons osseux…) et celui d’Archingeay-les-Nouillers qui a révélé toute une faunule d’insectes inédits emprisonnés dans de l’ambre (résine fossile). Avec ces gisements les Charentes ont acquis une renommée mondiale et permettent aujourd’hui de dresser un tableau plus précis des paléoenvironnements qui caractérisaient ces époques reculées.
Paléogéographie des
Charentes au Crétacé inférieur.
Pendant près de 45 Ma la plate-forme nord-aquitaine se trouve émergée en raison de la poursuite d’un mouvement régressif des masses océaniques amorcé à la fin du Jurassique supérieur (Tithonien). On assiste à la création d’une véritable pénéplanation : Les grands plateaux (massifs Central et Armoricain) sont érodés et de grandes quantités de sédiments viennent combler les dépressions du relief. Peu à peu une masse continentale se dessine depuis le Massif Armoricain jusqu’aux confins de l’Aquitaine actuelle. Des marécages et des lagunes baignés par des eaux sursalées (origine des dépôts de gypse locaux) et de grands deltas fluviatiles constituent alors la majeure partie des environnements charentais. Cette évolution paléogéographique locale est à replacer dans un contexte plus global d’origine tectonique qui va mener à la progressive ouverture de l’Océan Atlantique et du Golfe de Gascogne. Ces changements progressifs, consécutifs à un réchauffement global naissant, vont mener au retour progressif des masses océaniques toutes proches (à partir de la fin de l’Albien).
Le Crétacé supérieur.
La seconde partie de la période, appelée Crétacé supérieur (-100 à -65,5 Ma) est largement représentée sur le territoire des Charentes. Cet ensemble géologique facilement accessible a d’ailleurs été étudié dès le XIXe siècle par les chercheurs naturalistes locaux tels qu’Alcide d’Orbigny, Augustin Boisselier ou Henri Coquand. Le Crétacé supérieur se subdivise en 6 niveaux géologiques : le Cénomanien, le Turonien, le Coniacien, le Santonien, le Campanien et le Maastrichtien. Certains de ces étages ont d’ailleurs été définis localement et baptisés en référence à des villes et villages charentais par ces naturalistes (A. d’Orbigny (en 1849) et H. Coquand (en1856)) : c’est le cas du Coniacien (Cognac), du Santonien (Saintes) et du Campanien (qui désigne la champagne charentaise). Dans leur grande majorité, ces niveaux correspondent à l’accumulation sur plusieurs centaines de mètres, de sédiments marins, déposés progressivement par la présence de l’Océan Atlantique naissant durant près de 34.5 Ma. Tous ces niveaux géologiques sont connus grâce à de nombreuses carrières, le sous-sol local ayant été exploité de longue date (époque romaine parfois) afin d’extraire le sable et les pierres nécessaires à la construction des monuments emblématiques charentais. (Il n’est d’ailleurs par rare de découvrir des organismes fossiles affleurant dans un bloc de calcaire d’une église ou d’un château). Nous citerons par exemple les carrières de Cadeuil (sable cénomanien), de Crazanne et de Trizay (calcaire turonien), de Saint-Porchaire et de Beurlay (calcaire coniacien), de Combiers et de Saintes (calcaire et sable santonien)… Pour d’autres niveaux enfin, il existe de beaux affleurements naturels littoraux dans la partie sud-ouest de la Charente-Maritime avec notamment les falaises de Talmont-Royan (Campanien), de Piédemont-Port-des-barques, de Fouras ou encore, des îles Madame et d’Aix (Cénomanien). L’accessibilité de ces différents niveaux a donc facilité les recherches et ceux-ci ont été intensivement fouillés et prospectés durant plusieurs siècles, permettant de rassembler un riche matériel fossile conservé dans les nombreux musées locaux ainsi qu’au MNHN à Paris : échinodermes, restes de vertébrés aquatiques, coraux, rudistes, bryozoaires et éponges, mollusques divers… Et plus rarement : des insectes et des restes d’animaux continentaux.
Paléogéographie des Charentes au Crétacé supérieur.
L’histoire des Charentes à cette période est indissociable de la vie marine. En effet, le réchauffement climatique global qui s’amorce, consécutif au déplacement de la plaque ibérique par rapport au massif armoricain, soumet le bassin aquitain à une forte transgression marine. L’Europe est alors transformée en un vaste archipel, au carrefour d’un océan et de deux mers : l’Océan Atlantique Central à l’ouest, la Mer Boréale au nord et la Mer téthysienne au sud. L’ouverture progressive du Golfe de Gascogne (qui atteint 500 km à la fin de la période) permet des échanges océaniques entre la mer boréale au Nord et téthysienne (mésogéenne) au sud entrainant de profonds changements environnementaux dans le Bassin aquitain. Les environnements charentais durant cette période sont donc très différents suivant les niveaux, s’échelonnant de la plate-forme proximale (récifs et lumachelles cénomaniens) ou émergée à de grands bassins océaniques ouverts plus ou moins profonds (Campanien). Ces fluctuations environnementales (à la fois eustatiques, climatiques, tectoniques) vont se poursuivre durant tout le Crétacé supérieur avec, au Campanien supérieur, l’amorce de ce que les scientifiques appellent la régression fini-crétacée, par suite d’un soulèvement généralisé de toute la plate-forme aquitaine. C’est au Maastrichtien que cette régression généralisée finit de se mettre en place (Platel, 1989).
Orientations bibliographiques.
- Les vertébrés du Crétacé supérieur des Charentes (Sud-Ouest de la France) : biodiversité, taphonomie, paléoécologie et paléobiogéographie, mémoires Géosciences Rennes 1, Vullo Romain, 2007.
- Fossiles de la préhistoire charentaise, Le Croît vif, Mazan, Néraudeau Didier et Vullo Romain, 2013.
- Géologie de la Charente, ed. du Germa, Tournepiche Jean-François, 1998.
- Le Crétacé supérieure de la plate-forme septentrionale du Bassin d'Aquitaine. Stratigraphie et évolution géodynamique. Thèse doctorat d'état ès Sciences, Université de Bordeaux III, 573 p. avec atlas, Documents BRGM, n°164, Platel J.P., 1987, 1989.
- Stratigraphie, sédimentologie et évolution
géodynamique de la plate-forme carbonatée du Crétacé supérieur du nord du Bassin d'Aquitaine. Géologie de la France, n°4, p.33-58, Platel J.P.,
1996.
- Notices géologiques des cartes du BRGM : 0609N, 0658N, 0683N, 0684N, 0685N, 0706N, 0707N, 0708N, 0709N, 0731N.
- Guides géologiques régionaux, Poitou, Vendée, Charentes, ed. Masson, Gabilly Jean, Cariuo Elie et alii, 1997.